

Le 21 mars dernier, par la signature de ses statuts, l'Association Notariale de l'Ingénierie Patrimoniale (ANIP) est née.
Me Gaëtan Burté, son vice-président, et Me Thierry Delesalle, membre fondateur, nous en partagent les objectifs.
Pourquoi avoir créé l'ANIP ?
Gaëtan Burté. La création de notre association découle du label Notaire Conseil en Stratégie Patrimoniale et Familiale (NCSPF) que délivre le Conseil supérieur du notariat (CSN). Cette certification constitue une première étape en matière d'ingénierie patrimoniale mais très vite, en tant que premiers labellisés, nous avons eu conscience de la nécessité de se fédérer pour continuer, par la pratique, à évoluer et progresser.
Thierry Delesalle. L'idée de « Je reçois mais je donne » nous semble importante et la création d'une association va permettre aux adhérents de perfectionner leur spécialisation notamment en participant à des formations aussi bien en tant que stagiaire que formateur. Pour rappeler un peu la genèse, c'est lors du congrès de Marseille, qui s'est tenu en 2022 sur le thème de l'ingénierie notariale, dont le sujet du family office était en filigrane, que l'équipe a pu convaincre le CSN de la nécessité d'une action de sensibilisation, qui s'est déroulée dès février 2023. Elle a rencontré un vif succès qui a permis la création du label NCSPF. Les premiers labellisés nous ont témoigné leur intérêt de poursuivre la pratique de cette matière et notre association permet d'assurer ce relais.
Gaëtan Burté. Nous souhaitons proposer une offre pédagogique adaptée aux besoins des différents labellisés pour leur permettre d’approfondir leurs connaissances sur des sujets précis. Mais l'association n'a pas vocation à se substituer à des parcours de formation diplômants.
Faut-il être labellisé NCSPF pour adhérer à l'ANIP ?
Gaëtan Burté. Si, bien évidemment, les notaires ayant obtenu le label NCSPF souhaitent naturellement approfondir leur pratique en rejoignant notre association, cela ne constitue pas un préalable. La démarche est simple et pragmatique : ceux qui veulent adhérer doivent nous écrire (contact@notaires-anip-fr) et en retour nous leur transmettrons un questionnaire permettant d’apprécier leur expérience et leur motivation. Cette adhésion est, en principe, conditionnée à l’engagement de suivre le parcours du label NCSPF dans le délai de 2 ans.
Thierry Delesalle. Nous procédons à une identification des talents et ne fermons pas la porte à des profils qui constitueraient une exception. Toutes les demandes sont examinées.
Que souhaite apporter l’ANIP à ses adhérents ?
Gaëtan Burté. On constate souvent que, malgré la première étape de l’obtention du label, chacun se trouve confronté, dans sa pratique, à un sentiment de fragilité. À travers notre association le message est : « Vous n’êtes pas seul ».
Thierry Delesalle. L’une des missions que s’est donnée l’ANIP est la constitution d'un annuaire pour renforcer les liens entre les consœurs et les confrères mais également d’établir une liste d’experts, fiables, partageant nos valeurs, que nous pourrons solliciter en confiance : banquiers, CGP, avocats fiscalistes, experts-comptables…
Gaëtan Burté. L’objectif est de passer de la théorie à la pratique pour toujours s’améliorer.
Thierry Delesalle. La mission du CSN est principalement de représenter la profession, plus particulièrement auprès des pouvoirs publics. Ce n’est pas à elle de permettre d’approfondir cette initiation qu’elle propose à travers le label. Notre structure en revanche va offrir à chacun l'opportunité de continuer à se former, au contact du terrain, et c’est notre rôle de favoriser la mise en valeur de notre maillage de compétences sur tout le territoire, pour apporter à notre clientèle la meilleure offre de service.
À qui s'adresse l’ingénierie patrimoniale ?
Thierry Delesalle. En réalité, tout repose sur l’idée essentielle que l’humain est au cœur du système. Le notariat ne doit plus raisonner uniquement en termes d’acte mais plus globalement de client et, bien sûr, de tous les clients. L’idée que seules des familles parisiennes fortunées pourraient profiter d’un family office est totalement erronée.
Gaëtan Burté. En effet, c’est nier qu’il peut être utile à chaque famille, en particulier, comme le soulignera le prochain congrès, si elle est recomposée. Le notaire a toute compétence pour jouer le rôle de chef d’orchestre entre tous les professionnels qui gravitent autour des clients. La crise immobilière sévère a encouragé certains à réinvestir le champ du droit de l’entreprise. Il faut aller plus loin avec une vision plus complète du client.
Concrètement, quelles sont les préconisations et bonnes pratiques que promeut l’ANIP ?
Thierry Delesalle. Je le répète : il faut passer de l’acte au client ! Chaque concitoyen a des besoins, en gestion immobilière, en conciergerie, en secrétariat juridique, ou encore pour remplir sa déclaration d’impôts… C’est en maintenant un lien régulier avec son client que l’on peut être au courant de sa vie, condition essentielle pour lui apporter les conseils les plus adaptés.
Gaëtan Burté. Nous assistons à de profondes mutations de la société et la famille change parallèlement à une complexification de la législation et des règlementations. Le client doit y voir plus clair. Notre rôle est celui d’un pédagogue dont les clients doivent pouvoir faire d’avantage usage. C’est en les rencontrant deux ou trois fois par an qu’un lien au long cours va pouvoir se créer.
Certains vont vous objecter qu’il est impossible de trouver le temps nécessaire pour cela...
Thierry Delesalle. L’ANIP a, bien entendu, anticipé cette objection et souhaite que chaque office puisse retrouver du temps au moyen, par exemple, d’une bourse de collaborateurs que nous ambitionnons de mettre en place : attirer de nouveaux talents mais surtout mutualiser les collaborateurs. L’idée est de gérer le chiffre d’affaires pour que le recours à un collaborateur spécialisé en la matière ne constitue pas une charge trop importante. À l’heure où tout fonctionne par un système d’abonnement, pourquoi ne pas l’appliquer dans le notariat ?
Gaëtan Burté. Il faut revenir à l’avant-Covid où les liens n’étaient pas autant distendus. Les outils numériques sont utiles mais doivent permettre précisément de dégager du temps au profit de « plus d’humain ». Nous restons la mémoire des familles et il faut que cela perdure. Le partage des bonnes pratiques et notre base de données qui va s’enrichir, tout sera au profit des clients.
Mais puisque le temps c’est de l’argent, comment abordez-vous la question de la rémunération ?
Thierry Delesalle. C’est un sujet primordial. Le notariat s’enorgueillit à juste titre de participer à une mission de service public mais cela ne doit pas l'être au détriment de la rentabilité au temps passé. Le temps consacré à l'analyse complexe et complète de la situation, des besoins et de l'objectif du client doit pouvoir être facturé, et ce toutes les fois où le conseil ne précède pas simplement la préparation de la rédaction d’un acte.
D’autres champs sont-ils à conquérir par le biais de l’ingénierie patrimoniale ?
Gaëtan Burté. Avec le vieillissement de la population, il devient primordial que le notaire puisse être mandaté pour assister ses clients dans cette étape de leur vie. L’ANIP va avoir un rôle important de sensibilisation du CSN afin que ce dernier puisse relayer nos arguments auprès des pouvoirs publics en vue d'améliorer les textes au profit de toutes les familles.
Thierry Delesalle. Le service que l’on peut apporter à nos clients est à géométrie variable suivant les familles et selon la nature de leur patrimoine. Il peut même y avoir plusieurs mandataires aux biens, suivant la distinction entre biens personnels et biens de l’entreprise, indépendamment du mandataire à la personne, mission plus difficile à accomplir pour un notaire. Mais à ce jour, le mandataire ne peut pas passer lui-même les actes, ce qui est absurde lorsque, précisément, c’est un notaire qui est désigné mandataire en raison de ses compétences !
Gaëtan Burté. On revient d’ailleurs ici sur l'important sujet de la nécessité de rendez-vous réguliers afin d’interroger, à chaque étape de sa vie, son client sur son objectif.
Thierry Delesalle. Parfois même, il ne le sait pas lui-même et c’est lors et par ces échanges qu’il va le découvrir...
Quel message souhaitez-vous adresser à vos consœurs et confrères ?
Gaëtan Burté. L’ANIP a été créée par et pour les labellisés NCSPF afin de mettre en place un réseau d’entraide, continuer à apprendre et ainsi grandir en pratique grâce aux interventions d’experts et au partage d’expérience.
Thierry Delesalle. Une fois de plus c’est aussi l’avenir de la profession qui se joue. Nous vous invitons à nous rejoindre pour, ensemble, prendre ce virage !
(Propos recueillis par Liliane Ricco)