113 e congrès des notaires de France

#Familles #Solidarités #Numérique Le notaire au cœur des mutations de la société

Rapport de synthèse de Sophie Gaudemet

Ref : Defrénois 9 nov. 2017, n° DEF130j8, p. 14

1. Merci Monsieur le président.

Vous placez la barre bien haut. D’autant que, sous la bannière moderniste des trois # (hashtags, ndlr) inscrits au fronton de vos travaux, la 113e édition du congrès des notaires de France aura parfois paru nimbée d’un certain mystère. Ce titre, inédit par sa forme, a intrigué. Dans le même temps, il a séduit. En témoigne l’assistance particulièrement nombreuse et assidue tout au long de ces journées.

Ce matin, le voile est levé. Ce matin, nous pouvons dire que les attentes – et elles étaient multiples – ont été comblées.

Et malgré cela… Malgré cela, il me faut confesser une faiblesse. Aujourd’hui, une promesse ne sera pas tenue ou ne le sera que pour partie. Une promesse pourtant faite et répétée par voie d’annonces, de conférences de presse, de tweets : ce mercredi matin, avait-on dit, serait le moment d’élever le débat bien au-delà des seules considérations juridiques. Or pour ce moment d’élévation il va vous falloir encore un peu de patience jusqu’au « grand débat » qui suivra ! Car investie de la belle et lourde mission du rapport de synthèse de ce congrès, ne me demandez pas de faire ce que je ne saurais faire, si tant est d’ailleurs que je parvienne à faire ce que je suis censée faire ! Et puis après tout, les travaux du 113e congrès méritent bien qu’on leur consacre, ce matin encore, quelques mots de droit.

2. Ceci dit, même limitée au registre du droit, l’entreprise est délicate. Elle l’est d’autant plus que le parti a été pris de relever le défi d’un parcours qui a conduit des transformations de la famille à l’omniprésence du numérique en passant par les solidarités intergénérationnelles.

C’était le souhait du président Thierry Thomas : souhait courageux d’éclairer sous toutes leurs facettes des évolutions sociales multiformes ; souhait légitime de montrer combien l’institution notariale est ouverte sur l’extérieur ; et souhait qui a tout naturellement conduit à abandonner le confort d’un traditionnel congrès thématique pour être présent sur tous les fronts.

Bruno LEVY

L’accueil fait à vos travaux montre que ce choix était heureux et que le pari est réussi. Les débats ont été riches, passionnants et passionnés. Quant à l’avenir des propositions, il apparaît solidement gagé – le compliment en a été fait par vos pairs – sur un juste équilibre entre expertise juridique, pragmatisme et réalisme.

3. Mais – et pardon d’en revenir au rôle qui m’est dévolu – ce pari, aussi réussi soit-il, ne facilite pas aujourd’hui la tâche du rapporteur de synthèse. Car comment rendre compte de ce qui, volontairement, est dispersion ? Où trouver les lignes d’une synthèse qui, si les mots ont un sens, se doit d’ordonner tout en restituant sans ajouter ni retrancher ?

“ Cendrillon n’a pas attendu que l’on découvre les familles recomposées ”

Il a en effet été montré combien les manifestations de ces mutations sociales étaient dispersées, précipitées ; et rappelé que leurs causes elles-mêmes l’étaient. Causes sociologiques : la conception de la famille ne cesse d’évoluer, portée par la revendication d’un droit toujours plus près des réalités sociales. Qu’il s’agisse de la famille que l’on fonde (1re commission) ou de celle dont on est issu (2e commission). Causes démographiques : l’époque voit cohabiter davantage de générations et se poser avec acuité la question de l’accompagnement de nos aînés. Et bien sûr, brochant sur tout ceci, les circonstances économiques de gestion des deniers et moyens publics.

Nombre de ces phénomènes ne sont pas nouveaux : Cendrillon – que le professeur Philippe Malaurie nous a dit préférer de beaucoup à sa marâtre – n’a pas attendu que l’on découvre les familles recomposées. Mais l’évolution, prise dans son ensemble, fait la nouveauté. Nouveauté par son intensité, par son accélération et aussi – ceci explique en partie cela – par la place que ces questions prennent dans le discours contemporain. Ce discours, dont on sait combien il est relayé et souvent simplifié par les nouveaux modes de communication dont nous sommes devenus captifs. Et voilà le numérique convié à la table des discussions tant il participe à son tour aux transformations sociales en même temps qu’il dépasse les frontières. Il en est un des vecteurs ; plus encore, une des causes ; et devient également un objet de droit. Dans le même temps, on s’attache – le notariat en particulier – à en faire un instrument au service d’une régulation de ces mêmes mutations.

4. Ce sont autant d’évolutions qui participent au recul d’un ordre public commun, ordre public de direction « imposé d’en haut », stable et peu discuté tel qu’il a longtemps été dans le droit de la famille et des solidarités ainsi que vous les avez définies ; tandis qu’émergent les éléments d’un ordre public éclaté, « venant d’en bas », mobile et au service de « valeurs » plus souvent débattues (rappr. M. Grimaldi, « Liberté contractuelle et ordre public de la famille », Gaz. Pal. 11 avr. 2017, n° 292d1, p. 11, sur le recul d’un ordre public collectif et l’émergence d’un ordre public individuel principalement construit autour des droits fondamentaux). Le lieu n’est pas de s’en féliciter ou de le déplorer. Il est d’en prendre la mesure.

5. Pour y parvenir, un premier élément de vos travaux en délimite le champ : c’est à l’actualité la plus immédiate que vous nous avez conviés. Vos trois # le disent éloquemment.

Actualité, en ce que quasiment toutes les propositions soumises au débat portent sur des textes vieux d’une dizaine d’années au plus ou sur des jurisprudences très récentes.

Au demeurant, les deux années de préparation du congrès sont venues vous donner tellement raison par l’ampleur de cette actualité. Jugeons-en.

Des débats, longtemps repoussés, ont subitement ressurgi par voie d’amendement gouvernemental. Il en est résulté une réforme lourde de signification, à laquelle il a fallu apporter clarté et cohérence. Ce fut le lot de la 1re commission d’en connaître, avec le divorce par consentement mutuel sans juge issu de la loi du 18 novembre 2016.

Des questions délicates, que le développement de l’informatique rend chaque jour plus pressantes, ont donné lieu à une loi dite « participative ». Et alors que la loi était débattue devant le Parlement, les questions se sont compliquées d’un règlement européen, lequel prive d’effet les dispositions incompatibles de la loi française lors de son entrée en vigueur. Ce fut le lot de la 3e commission d’en connaître, avec le vote de la loi Lemaire du 7 octobre 2016 tandis qu’avait été adopté six mois plus tôt, à Bruxelles, le règlement sur la protection des données personnelles.

Des ordonnances encore et toujours, dans le flot continu de celles souvent dites de simplification, bien qu’elles n’y contribuent pas nécessairement… Ce fut le lot des deux premières commissions de connaître de l’ordonnance du 15 octobre 2015 sur la famille et de chacune des commissions de mesurer les incidences de la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations du 10 février 2016.

6. Bref, l’emballement normatif s’est accéléré – davantage parfois le fruit de mouvements d’opinion que le produit d’une politique juridique à long terme –, sans compter les évolutions jurisprudentielles.

“ Il était précieux d'arrêter un temps le mouvement ”

En sorte que je relierais volontiers votre démarche à la formule de Marc Bloch, s’interrogeant sur ce qu’est le présent. « Qu’est-ce que le présent [écrit-il], sinon la pointe extrême d’un long écoulement où chaque vague dépend dans son mouvement des autres vagues voisines qui l’enserrent et la pressent mais aussi de celles qui derrière l’ont poussée en avant ? » (M. Bloch, Que demander à l’histoire ?, conférence, 1937). C’est sur cette pointe extrême que vous vous êtes placés, poussée en avant par toutes les vagues qui l’ont précédée et qui seront suivies de bien d’autres. Il était précieux d’arrêter un temps le mouvement ou du moins de dépasser l’immédiateté pour tenter de l’appréhender.

7. Encore fallait-il définir la perspective propre à en rendre compte. D’où le second élément qui trace le cadre de vos réflexions : c’est du notaire qu’il s’agit, des fonctions de celui-ci placé « au cœur des mutations de la société ».

Le constat est que, sous ces multiples registres de l’actualité, la science et l’office du notaire sont sollicités. Ils le sont en même temps – le président et le rapporteur général l’ont rappelé dès l’ouverture des travaux – que l’État lui-même initie une forme de repli.

Un repli qui, pour s'en tenir à vos travaux, prend essentiellement deux formes et dont il n’est pas rare que la seconde prolonge la première. D’une part, un recul de l’impérativité des normes édictées ; ou pour le dire autrement, le passage d’un droit imposé à un droit négocié. D’autre part, un recul des titres d’intervention de l’État, dans une politique communément dite de « déjudiciarisation ». Et si les conséquences s’en mesurent pour les professions du droit en général, elles revêtent une importance particulière pour le notariat, titulaire du sceau de l’État. C’est l’intérêt et l’originalité de vos travaux de l’avoir mis en lumière. Le contexte évolue ; l’activité et les fonctions notariales savent y répondre.

8. En effet, à mesure que les volontés privées gagnent de nouveaux champs, des choix plus nombreux s’offrent à elles. Or ces choix appellent toujours plus les conseils de ceux qui en détiennent les clés. En outre, lorsque l’État lui-même se retire d’un examen a priori de ces volontés, il s’attache à en assurer différemment la protection et l’effectivité et en appelle en particulier au notaire, investi d’une partie de l’autorité publique. Ainsi peuvent s’ordonner vos travaux, non sans recoupements sans doute mais qui ne font que traduire la complémentarité des questions. Sous l’action conjuguée des évolutions sociales, la mission de conseil est toujours plus mobilisée pour éclairer les volontés (I) et la qualité d’officier public souvent sollicitée pour les recevoir à des fins parfois renouvelées (II).

I. Une mission de conseil toujours plus mobilisée

9. La réalité a été maintes fois décrite, que l’on vient de rappeler, d’un essor des volontés individuelles. Fréquemment, elle est présentée comme un mouvement de contractualisation du droit. Plus fondamentalement, elle participe d’une contestation de l’autorité de la loi, d’une aspiration à un droit moins statutaire et plus affinitaire. En quoi l’on dit parfois qu’il s’agit de replacer les volontés au centre des dispositifs qui les concernent.

Le phénomène n’est pas propre aux familles et aux solidarités. Mais il y est manifeste, tant l’ordre public de direction y a traditionnellement été fort. On sait les choix du Code civil de 1804 et la place donnée à la famille, structure de base de l’organisation sociale dont Portalis disait qu’elle était la « petite patrie [par laquelle] on s’attache à la grande » (J.-M.-E. Portalis, Discours préliminaire du premier projet de Code civil, 1801) : le mariage, seule union reconnue par le droit ; un strict encadrement du divorce (disparu sous la Restauration puis réapparu sous la IIIe République) ; la puissance paternelle ; l’immutabilité des conventions matrimoniales ; la réserve héréditaire ; la prohibition des pactes sur succession future ; un important devoir de solidarité familiale ; le juge garant de la protection des biens des personnes frappées d’interdiction…

Et aujourd’hui ? Pluralité des modes de conjugalité sans plus de considération pour la différence de sexe ; pluralisme des divorces ; conventions sur l’autorité parentale ; mutabilité contrôlée des conventions matrimoniales ; pouvoirs accrus des disposants ; augmentation des pactes sur succession future autorisés… et, phénomène plus récent dans le droit des personnes protégées puisqu’il date essentiellement de la loi du 5 mars 2007, pluralité des mesures de protection juridique et non plus seulement judiciaire.

10. La loi a desserré son étreinte. L’éventail des possibles n’a cessé de s’ouvrir et la gradation des choix de se multiplier. Plus que jamais, cela requiert les conseils de ceux qui savent, au profit de ceux qui veulent ou doivent décider. Car s’il est une famille et désormais une protection juridique « à la carte » (v. J. Carbonnier, « À chacun sa famille, à chacun son droit », in Essais sur les lois, 2e éd., 1995, Defrénois, p. 181 et s.), encore faut-il connaître les cartes que l’on a dans son jeu.

11. D’où plusieurs de vos propositions, qui visent à assurer, dans ses manifestations contemporaines, la réalité et l’efficacité de ce conseil.

Parmi elles, le souhait de clarifier des textes nouveaux : clarifier les conditions d’ouverture de la dernière mesure de protection en date qu’est l’habilitation familiale si l’on ne veut pas la cantonner excessivement dans ses applications. Et ce faisant lever une ambiguïté, parce qu’il y a dans le texte actuel un vestige de la loi d’habilitation, là où l’ordonnance de 2015 a pris un parti différent. La proposition a d’ailleurs fait l’unanimité, dont on disait qu’elle ne pourrait plus être obtenue depuis le vote électronique ! Si bien que l’on pourrait même s’autoriser à aller au-delà, en souhaitant, dans l’attente d’une rectification, que l’interprétation prônée, qui s’émancipe de la lettre de la loi pour en faire prévaloir l’esprit, soit retenue par la jurisprudence là où une représentation du majeur s'impose. Ceci, sans préjudice d'améliorations de cette habilitation familiale.

Pour le reste, vous avez – si l’on simplifie – poursuivi deux objectifs : assurer l’effectivité des choix disponibles et adapter certaines solutions aux réalités contemporaines.

12. Premier objectif : assurer l’effectivité des choix disponibles. L’expertise du notariat n’est plus à démontrer dans la recension, l’analyse, la conservation, l’accès sécurisé aux informations. Expertise, qu’à deux titres au moins vous avez souhaité continuer à faire partager.

13. D’une part, en réponse à des questions éminemment nouvelles.

L’essor considérable du numérique, dont la 3e commission s’est fait l’écho, met parfois à l’épreuve nos qualifications classiques, dont celle du patrimoine. Encore qu’il ait été relevé combien celles-ci fournissent des éléments de réflexion, sinon de réponse, propres à accueillir certaines des questions.

De même, il est des solutions qui peuvent être trouvées dans des instruments pluriséculaires : le testament, qui pourrait contribuer à l’effectivité des textes de 2016 sur la mort numérique. Car si la loi nouvelle reconnaît certains droits et devoirs aux héritiers sur les données numériques à caractère personnel du défunt, elle prévoit aussi et surtout que leur devenir puisse être anticipé en laissant des directives en ce sens. D’où la préconisation largement approuvée par vos votes de consigner ces directives dans un testament, afin qu’elles soient retrouvées et communiquées à ceux chargés de les exécuter. L’instrument existe, accessible à tous. Qu’il soit utilement mobilisé mais aussi, serait-on tenté d’ajouter, régulièrement actualisé tant il y a là des données changeantes… Et plus largement, le notariat a naturellement un rôle à jouer dans la conservation et la transmission des données numériques.

14. D’autre part, il s’est agi d’assurer l’effectivité des mesures de protection par l’harmonisation de leur publicité, plus que jamais nécessaire dans un contexte de diversification croissante de ces mesures et de dispersion des informations les concernant (qu’en sera-t-il d’ailleurs de la publicité du mandat de protection future dont le décret d’application se fait attendre ?). La 2e commission a rappelé les insuffisances du système et la nécessité d’y remédier tant pour la sécurité des transactions que pour l’effectivité même des mesures. D’où la proposition quasi unanimement votée :

  • une centralisation des mesures sur un registre connu : le répertoire civil. Ce serait éviter la dispersion contemporaine des supports et composer avec ce qui comporte déjà la plupart des mesures judiciaires ;

  • une inscription de toutes les mesures qui ont pris effet ainsi que de celles qui anticipent la protection. Ce serait permettre de s’assurer de la capacité de chacun, mais aussi donner effet à la volonté de ceux qui choisissent de prévenir les termes de leur protection et par là même au principe de subsidiarité des mesures de protection ;

  • et une définition, par cercles concentriques, des tiers admis à accéder aux informations selon les intérêts qu’ils défendent. Ce serait, en distinguant l’existence et l’accès à la publicité, veiller à un équilibre entre la discrétion due à chacun et la sécurité juridique.

On fera valoir l’encombrement des greffes, au rebours de la politique contemporaine. Cela étant, d’une part, la question de la publicité de ces mesures déborde chacune des professions du droit, si bien qu’elle gagnerait à la centralisation des données. D’autre part, il est des éléments de réponse techniques : la dématérialisation préconisée par votre proposition. Madame le garde des Sceaux n’a-t-elle pas fait part, avant-hier, d’un objectif prioritaire de transformation numérique de la justice ?

À telle enseigne que l’on se plaît à imaginer le trio de la 3e commission revenir dans quelques temps accomplir une nouvelle prouesse, après celles réalisées avec brio sur la consultation en direct d’un acte de l’état civil et d’un état hypothécaire, suivies de la signature d’un acte authentique électronique à distance : venir présenter une consultation en temps réel d’un registre dématérialisé des mesures de protection juridique !

15. Second objectif : adapter certaines solutions aux réalités sociales contemporaines. À deux fins : le financement de la dépendance et les recompositions familiales.

16. Dans le financement de la dépendance, les instruments sont épars. Mais sur fond de déclin des solidarités, c’est souvent sur soi-même qu’il faut avant tout compter. De là votre souhait de donner une seconde chance au prêt viager hypothécaire pour assurer le maintien à domicile de personnes âgées. Parmi les obstacles à l’essor de ce type de crédit, c’est celui financier qui vous est apparu devoir être en priorité levé. Et cela, en garantissant les établissements prêteurs d’un risque qui fait l’originalité de ce prêt viager mais que les prêteurs ne sont apparemment pas prêts à assumer : le plafonnement de la dette de l’emprunteur à la valeur qui sera celle de l’immeuble à l’échéance du terme.

Ce serait vraisemblablement poursuivre la tentative de réception de ce prêt viager dans notre droit. Car d’inspiration anglo-saxonne, il y fait l’objet d’une couverture spécifique. Simplement, là où les terres de common law préfèrent souvent les assurances contre-garanties par un fonds d’État, il a été proposé de recourir à un fonds de garantie dont le financement serait assuré par le redéploiement de deniers publics existants.

17. Les souhaits d’adaptation ont ensuite été guidés par le phénomène des décompositions et recompositions familiales. On aurait pu imaginer des simplifications. Par exemple, l’abrogation de l’article 1098 du Code civil sur les libéralités en propriété adressées au conjoint, d’autant qu’il a perdu son sens originel depuis que la loi de 2001 accorde au conjoint survivant des droits en propriété en présence d’enfants non communs. Mais le notariat s’en accommode, l’exclusion de cette disposition devenant une clause de style. Surtout, la 1re commission a entendu faire preuve de plus d’ambition par deux propositions. Propositions dont on relèvera qu’elles témoignent d’un mouvement qui tendrait à partir des familles recomposées pour forger des règles applicables à l’ensemble des familles.

La première a trait à la clause d’exclusion de l’administration légale. Prévue de longue date par le Code civil, cette clause n’a pas été pensée en considération des séparations conjugales. Ce qui explique peut-être pour partie qu’elle ait été conçue adossée à une libéralité, la libéralité étant alors le fait d’un tiers. Or ce sont aujourd’hui principalement les parents séparés qui en usent, afin d’éviter que leur ancien conjoint ou ancien compagnon de vie n’exerce l’administration légale sur les biens de la succession. C’est en ce sens qu’il a été proposé, plutôt que de devoir recourir à un legs, que la loi prévoie la faculté d’exclure l’administration légale sur la succession ab intestat. La Cour de cassation a possiblement entrouvert la porte, en permettant une telle exclusion sur les biens composant la réserve de l’enfant. Encore veillera-t-on, dans le recours à ces clauses et dans leur mise en œuvre, aux pouvoirs très importants que l’ordonnance de 2015 a reconnus à l’administrateur légal unique lorsqu'elle a pris le parti de ne plus distinguer suivant que l'enfant a un ou deux parents et à ceux qui peuvent être confiés au tiers administrateur.

Le pas qu’il s’agissait de franchir était plus grand lorsque la proposition a par ailleurs été faite d’un nouvel instrument. On comprend la préoccupation : assurer la pleine efficacité des libéralités en propriété adressées au conjoint survivant en lui permettant de différer, au plus tard à son propre décès, et pour autant que le disposant l’ait prévu, le paiement de l’indemnité de réduction dont il serait débiteur. Faculté que la proposition réservait non sans précaution aux libéralités portant sur le logement de la famille.

Cela posait, toutefois, au moins deux questions, de politique autant que de technique juridique.

En premier lieu, les lois de 2001 et 2006 ont déjà prévu plusieurs instruments au profit du conjoint survivant, afin en particulier de lui permettre de demeurer dans son cadre de vie. Les uns supposent l’accord des enfants, post mortem voire ante mortem ; les autres encadrent les termes de possibles désaccords ; et il est aussi l’ensemble des possibilités ouvertes au titre des régimes matrimoniaux. C’est donc à cela qu’il se serait agi d’ajouter, là où il n’y a pas d’accord et où les avantages matrimoniaux sont bornés par l’action en retranchement. D’où la question de savoir si, dans la place respective que la loi fait désormais aux enfants et au conjoint, il y a lieu de poursuivre en faveur du second et ce faisant au détriment des premiers.

D’autant, en second lieu, qu’il s’agissait de mettre entre les mains du disposant le pouvoir de décider du moment où ses enfants seront servis de leur réserve.

C’est sans doute ce qui explique que la proposition n’ait pu être adoptée en l’état. Elle n’en a pas moins opportunément ouvert le débat et attiré l’attention sur les dangers que peuvent représenter les libéralités en usufruit, dans les familles recomposées en particulier. Ce pourquoi d’ailleurs le législateur n’a pas ouvert au conjoint survivant la branche de l’usufruit universel, au titre de sa vocation légale, en présence d’enfants non communs.

18. Au-delà, il est un enseignement de vos travaux qui, pour être implicite, n’en est pas moins remarquable : à aucun autre moment il n’a été proposé d’ajouter aux choix disponibles. Non par facilité, mais par sagesse et réalisme, tant ceux-ci méritent préalablement d’être éprouvés.

“ Ceci pose la question du devenir de cette politique d'érosion de l'ordre public de direction ”

Ce qui ne va pas sans poser la question du devenir de cette politique d’érosion de l’ordre public de direction et de promotion des volontés individuelles. Il m’a semblé en vous écoutant qu’elle ne se posait pas exactement dans les mêmes termes selon qu’il s’agit de familles ou de solidarités.

Concernant la protection juridique des majeurs, l’objectif d’origine a été de répondre aux aspirations de ceux qui souhaitent l’anticiper. Mais les données économiques se sont rapidement imposées : favoriser les solidarités familiales, c’est alléger la solidarité publique. Et c’est le sentiment que donnent l’accumulation contemporaine des mesures et la sollicitation toujours plus grande des familles. Le temps paraît venu d’une rationalisation et d’un meilleur accompagnement ou encadrement des familles, d’un côté, de la protection institutionnelle, de l’autre, afin que chacun puisse tenir son rôle.

Concernant la famille, l’objectif reste avant tout de répondre aux aspirations de ceux qui veulent voir leur situation reconnue par le droit. Et l’on perçoit, à les exaucer au fil des réformes, l’uniformisation des règles vers laquelle on tend, laquelle ne se fait pas toujours par le haut. Vous avez pour votre part résisté à la tentation d’une plus grande assimilation du Pacs et du mariage : votre proposition sur l’adoption est en ce sens, réservée à l’enfant du conjoint. L’avenir n’est toutefois pas écrit. À quoi s’ajoutent des questions de filiation, revenues sur le devant de la scène depuis en particulier l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe. La 1re commission a permis de prendre la mesure de ces délicates interrogations – celles en particulier du domaine de la PMA et des termes de l’interdiction de la GPA – où s’entrechoquent le droit, les techniques, l’éthique ; le tout, sur fond d’internationalisation et d’essor des procédés informatiques de communication.

Au-delà, il apparaît que, en même temps qu’elle ouvre de nouveaux champs au pouvoir des volontés, la loi ne se désintéresse pas de la façon dont celles-ci s’expriment, en particulier là où la convention est enchâssée dans une structure institutionnelle. Outre le conseil, c’est la qualité d’officier public du notaire qui est alors mobilisée.

II. Une qualité d’officier public sollicitée à des fins renouvelées

19. Initialement, l’admission de certains des accords de volonté a été placée sous le regard du juge : c’est la fonction d’homologation, aux côtés de celles consistant à départager ou sanctionner. Depuis, l’homologation judiciaire a disparu en certaines hypothèses. Mais le retrait de l’État s’accompagne souvent d’un formalisme de protection, sinon d’un autre contrôle de l’autorité publique. Et parmi les moyens d’y parvenir, l’authenticité. Pour cause, certaines matières, spécialement dans le droit des personnes et de la famille, relèvent non pas des seuls intérêts privés mais aussi de l’intérêt général. De là, des glissements entre juridiction gracieuse du juge et juridiction volontaire du notaire, ce qui ne va pas sans renouer avec l’histoire du notariat.

20. Quatre remarques avant d’en venir aux propositions.

Premièrement, ce mouvement, qui participe de celui dit de déjudiciarisation, n’est pas nouveau. Il n’est pas non plus propre aux matières étudiées, mais s’y exprime de façon notable s’agissant de questions traditionnellement soumises au statut et soustraites au contrat.

Deuxièmement, le phénomène est polymorphe : allégement de la procédure, renvoi à la compétence des greffes, renvoi à la compétence des notaires… Polymorphe, et évolutif : ainsi de la réforme de l'envoi en possession ; de celle de l'administration légale ; mais aussi du changement de régime matrimonial (prohibé ; admis en 1965 au terme d’une homologation judiciaire ; suppression en 2006 du caractère systématique de l’homologation)... Et que dire du divorce par consentement mutuel ? Interdit ; admis au terme de deux comparutions devant le juge en 1975 ; avant que disparaisse la seconde comparution en 2004 puis le principe même de l’homologation en 2016.

Troisièmement, les raisons de cette politique sont au moins doubles. Il y a celles affichées : recentrer le juge sur le cœur de sa mission (encore qu’il faille s’accorder sur ce que cela recouvre exactement), mais aussi celles qu’on ne peut passer sous silence (veiller à l’économie des moyens et des deniers publics). L’essentiel étant que les secondes ne prennent pas le pas sur les premières.

Quatrièmement, les conséquences d’une telle politique doivent être mesurées. La liberté a pour contrepartie la responsabilité : plus de liberté, c’est un surcroît de responsabilité pour ceux qui s’engagent voire ceux qui instrumentent. D’autant que, bien davantage que d’une disparition du juge, c’est en l’occurrence d’un décalage temporel de son intervention qu’il s’agit : non plus a priori mais a posteriori, non plus en amont mais en aval. En sorte que, si le débat judiciaire a lieu, il sera souvent celui du contrat. Un contrat dont les remises en cause ne sont pas purement théoriques dès lors que s'applique le droit des obligations. La réforme de février 2016 le confirme, qui plus est en renforçant à certains égards l’ordre public de protection des cocontractants.

21. C’est dans ce contexte, et avec à l’esprit les contreparties et limites de cette déjudiciarisation, que s’inscrivent trois propositions, desquelles une quatrième et dernière sera rapprochée.

22. En premier lieu, sur le mandat de protection future.

On peut être ou non un fervent partisan de la protection conventionnelle. Elle existe et répond à un souhait. Mais si l’État se retire pour partie de sa mission régalienne de protection des plus faibles, ce ne peut être à n’importe quel prix. C’est en quoi la loi de 2007 a fait dépendre les pouvoirs du mandataire de protection future de la forme dans laquelle le mandat est passé. D’où ces pouvoirs particulièrement importants, qui résultent du seul mandat notarié et ont pour contrepartie un rôle accru du mandataire et aussi du notaire, lequel reçoit le mandat, se voit adresser les comptes annuels, alerte le juge de tout mouvement de fonds ou actes non justifiés ou non conformes aux stipulations du mandat.

Avec la 2e commission, vous avez souhaité inscrire dans la loi le pouvoir, pour le mandataire, de vendre le logement du mandant (résidence principale ou secondaire) sans requérir l’autorisation du juge, escomptant de cette faculté un plus grand attrait pour la mesure. Par comparaison, la personne ainsi protégée pourrait théoriquement recourir à un mandat de droit commun, qui ne cesse en principe qu’avec l’ouverture d’une mesure judiciaire. Mais le mandat de protection future, conclu parfois très en amont, confère de larges pouvoirs, en sorte que votre proposition a été assortie de conditions : que le mandant l’ait prévu dans son mandat et que la vente soit précédée d’une expertise sur la valeur de l’immeuble. Ceci supposerait au demeurant de s’interroger sur le devenir des autres actes qui, telle la résiliation des baux sur ces mêmes immeubles, requièrent également l’intervention du juge.

23. En deuxième lieu, sur le divorce par consentement mutuel sans juge.

Il faut savoir gré à la 1re commission d’avoir soumis la question au débat, qu’elle a même placée au seuil de vos travaux. Si la proposition a été aussi largement adoptée (à plus de 90 %), c’est probablement qu’elle a su se garder de deux positions extrêmes : ne rien faire ou tout défaire. Ne rien faire, alors que l’on sent déjà les hésitations dans la mise en œuvre des textes nouveaux, c’eût été se dérober. Tout refaire, alors que l’on sait les conditions, politiques en particulier, dans lesquelles le texte a été adopté, c’eût été – malheureusement peut-être mais très probablement – manquer de réalisme.

Disons-le, cette réforme est mal née, dans la précipitation des fins de législature. Mais elle est née, entretenant les ambiguïtés, peut-être en partie volontairement, et abandonnant aux professions concernées le soin de la mettre en œuvre. C’est l’objet de la lecture constructive des textes portée par votre proposition.

“ Se passer d’un contrôle judiciaire a priori, c’est prendre le risque d’un contentieux a posteriori ”

Car de quoi s’agit-il ? D’attributs de l’authenticité et de l’institution du mariage. Voilà pourquoi, partant des effets que la loi attache à la convention déposée au rang des minutes du notaire, vous êtes remonté aux conditions qui permettent ces effets. Or comment admettre que l’intervention du notaire rompe le lien matrimonial et donne force exécutoire à la convention de divorce sans requérir de lui qu’il agisse en sa qualité d’officier public ? Raison pour laquelle il a été souhaité que soit formellement consacrée la nécessité de faire comparaître les époux, de s’assurer que leur consentement au divorce et aux résultats de leurs accords demeure et de l’absence de contrariété de la convention à l’ordre public.

Plus encore, suggérer, comme vous l’avez fait, la pratique consistant à consigner les résultats de ce contrôle dans l’acte reçu par le notaire, par hypothèse authentique, contribuerait à lever plusieurs des incertitudes actuelles : en droit interne et en droit international privé (par la réunion dans un même acte notarié d’éléments qui pourraient avoir à circuler à l’étranger, quand bien même certaines difficultés demeureront).

Tout ceci peut ne pas pleinement satisfaire au regard des principes mêmes de notre droit. Mais quelle meilleure solution dans les conditions qui ont été rappelées ? On fera alors valoir la difficulté à distinguer ce qui relève du contrôle des avocats (existence des consentements, équilibre de la convention) de ce qui ressortit au notaire (maintien des consentements, forme de contrôle de légalité objectif). Pour cause, l’authenticité requiert l’un et l’autre de ces contrôles. Mais c’est la loi qui a voulu un tel démembrement ; regrettable, sans doute. Les interventions de la salle ont aussi appelé l’attention sur les remises en cause possibles de telles conventions de divorce. À juste titre, puisqu’en supprimant le lien entre divorce et homologation judiciaire de la convention, on fait renaître les actions contractuelles fondées sur les vices du consentement et la lésion. Reste que c’est là encore le parti pris par la loi : se passer d’un contrôle judiciaire a priori, c’est prendre le risque d’un contentieux a posteriori. Ce qui peut d’ailleurs faire craindre, en guise de désengorgement des tribunaux, un essor du contentieux post-divorce. Mais une nouvelle fois, pouvait-on aller au-delà dans les circonstances qui ont été dites ?

24. La troisième proposition annoncée, sur l’adoption simple de l’enfant du conjoint, n’appelle pas à mon sens les mêmes interrogations ni les mêmes réserves.

La situation est alors en général véritablement consensuelle. Et permettre que cette adoption ait lieu par acte notarié apparaît conforme à l’origine de cette filiation, qui est élective, mais aussi à la reconnaissance par l’autorité publique de ce qui relève de l’institution de la filiation et pas seulement d’un accord de volonté.

Cela étant, conscients qu’il est des missions qui doivent continuer à relever de l’office du juge, la proposition votée a veillé à lui laisser compétence pour l’adoption des enfants mineurs. À dire vrai, votre exclusion a été plus loin, en retenant l’intervention du juge lorsque, l’adopté étant majeur, l’adoptant a lui-même des enfants mineurs. Serait-ce par excès de prudence s’agissant de cette figure particulière qu’est l’adoption de l’enfant du conjoint, d’autant que les parents ne sont pas tenus de requérir l’avis de leurs enfants (mineurs non plus que majeurs) pour leur donner une fratrie ? Mais l’essentiel n’est pas là : il est dans le souhait de laisser au juge, lorsque l’adopté est mineur, la compétence d’apprécier si l’adoption est conforme à son intérêt. Et la solution paraît sage.

Par comparaison, on mesure que les réformes récentes ont parfois été loin, très loin. Déjà, lorsque l’ordonnance de 2015, se réclamant d’une volonté de ne pas stigmatiser les familles monoparentales, a voulu unifier les pouvoirs des administrateurs légaux en supprimant l’administration sous contrôle judiciaire. Mais les faits sont têtus : un parent, ce n’est pas deux : le contrepoids présent dans un cas est absent dans l’autre, et l’on a probablement écarté un peu vite, en certaines hypothèses, l’intervention du juge.

De même, il est permis de penser que la loi Justice du XXIe siècle a été très sinon trop loin en permettant un divorce sans juge en présence d’enfants mineurs. Les projets antérieurs l’avaient exclu. Le Sénat s’y était opposé. L’Assemblée nationale l’a emporté. Les spécialistes du droit international privé ont appelé l’attention sur les risques en résultant. Surtout, sous couvert de respecter la convention internationale sur les droits de l’enfant en réservant la possibilité d’une audition par le juge, on met cet enfant dans une position qui n’est guère tenable, faisant de lui l’arbitre de la procédure du divorce de ses parents. Et l’on voit poindre les risques d’instrumentalisation, que les parents souhaitent se passer du juge ou à l’inverse bénéficier d’une homologation.

25. À ces différents titres, les propositions votées s’efforcent de faire la juste mesure entre le possible et le souhaitable dans cette politique de retrait du juge, soucieuses de ce qui peut ressortir à la compétence du notaire et dans le respect de l’authenticité, tout en veillant, là où elle a été malmenée, à rétablir la place qu’on ne peut a minima lui dénier.

Et c’est la 3e commission qui est venue à son tour rappeler ce qu’est l’authenticité. Faisant œuvre de pédagogie, elle a démystifié la blockchain. Ce qui a permis de convaincre que cette chaîne d’informations, dans laquelle chaque bloc, validé par un ensemble de personnes, comprend l’empreinte du précédent, est au plus une technologie de stockage de données voire – ce sont les smart contracts – d’exécution automatique d’accords de volonté d’ores et déjà conclus. Du procédé, on dit la très grande fiabilité. En contrepartie, il présente une grande rigidité. Surtout, il est dépourvu de contrôle des consentements et ne consiste aucunement en un acte conseillé, dressé, vérifié, revêtu du sceau de l’État et conservé en original. Car si l’authenticité est gage de sécurité, elle ne se réduit pas à cela : ce serait confondre la source et les effets.

“On sait pouvoir compter sur la capacité du notariat à se doter de ses propres outils qu’il maîtrise et contrôle”

Il est d’ailleurs révélateur que la philosophie initiale des promoteurs de cette technologie ait été rapidement combattue. La blockchain est née d’une défiance envers les institutions et d’un souhait de répartir, sur les membres d’une chaîne, la confiance placée en des tiers précisément considérés de confiance. C’est la monnaie virtuelle, et surtout non étatique, du bitcoin. Cela participe là encore d’un repli vers la sphère privée, non sans défiance envers la sphère publique. Mais le mouvement n’aura-t-il pas qu’un temps ? D’ailleurs, chassez le tiers de confiance par la porte, il revient par la fenêtre, dès lors qu’il est question de responsabilité (qui le sera des participants à la chaîne où certains se cachent sous un pseudonyme ?), d’indépendance (est-elle assurée lorsque le procédé dépend de la puissance de calcul des ordinateurs ?) et de confidentialité (qu’en est-il lorsque la chaîne est publique ?). Aussi, plus que les chaînes publiques, ce sont visiblement les chaînes fermées, blockchain de consortium, entre personnes qui s’agréent et organisent leur propre contrôle, qui pourraient avoir un avenir. Raison pour laquelle vous avez souhaité, les concernant, poursuivre les réflexions, sans que la modernité ne concède aux principes de l’authenticité. On sait pour ce faire pouvoir compter sur la prudence du notariat dans la mise en place des dispositifs et sur sa capacité à se doter de ses propres outils qu’il maîtrise et contrôle. L’acte authentique à distance en est une nouvelle fois le témoignage : il aura fallu près d’une décennie pour assurer la complète fiabilité de l’instrument qui a été présenté. Et demain encore, le bon usage et la maîtrise de la technologie permettront sans doute de répondre aux tâches automatiques, mais révéleront surtout en contrepoint ce que seule l’intervention de l’homme peut apporter.

On en revient alors au point de convergence de vos travaux : dépassant toute formule incantatoire, désincarnée, vos réflexions illustrent combien les missions de conseil et d’authentification, bien loin de se présenter sous des couleurs fanées, sont en adéquation avec les évolutions sociales. Il y a là un élément constitutif de notre système juridique, au service du système de droit continental qui est le nôtre. Puissent les réformes contemporaines s’attacher à mesurer de quelle manière et à quelles fins il peut être mobilisé plutôt que de penser trouver la solution dans la mise en concurrence des professions du droit. Voilà en quoi il y avait bien un seul et même objet à ce congrès.

26. Il est temps de conclure. Mais il me reste l’essentiel : je voudrais dire ici mes remerciements et ma reconnaissance pour m’avoir permis d’être le témoin privilégié de ce 113e congrès des notaires. Témoin du dévouement, de l’abnégation, de l’enthousiasme, de la compétence de cette équipe « au [plein] cœur des mutations de la société » : le président Thierry Thomas, pour sa confiance et la particulière bienveillance dont il a su en toutes circonstances nous entourer, lui à l’unisson de son directoire ; l’équipe de l’Association du congrès, pour œuvrer avec autant d’efficacité que de discrétion ; chacune des commissions, pour ces échanges qui m’ont tant appris et donné le sentiment d’avoir été adoptée (même sans acte notarié !) le temps du congrès ou peut-être au-delà (veillez à l’irrévocabilité de l’adoption !) ; et le rapporteur général Bernard Delorme, homme-orchestre de ces travaux intellectuels dont je tiens à saluer la remarquable intelligence, évidemment scientifique mais aussi humaine avec laquelle il a guidé l’équipe, en ce compris son rapporteur de synthèse. Bref, j’ai reçu au décuple de cette magnifique équipe ce que j’ai essayé d’apporter.

Aussi finirai-je, outrepassant ma fonction de rapporteur de synthèse, par un vœu : celui que vous ne dématérialisiez pas trop votre congrès. Car rien ne remplacera ces deux années de rencontres. Rien ne remplacera ces trois journées d’échanges. Pour nous avoir fait partager leurs riches et passionnantes réflexions, merci et bravo au 113e congrès des notaires de France ! Pour les avoir accompagnés en cela, merci et bravo au notariat !

Rédaction Lextenso, Sophie Gaudemet, professeur à l’université Panthéon-Assas (Paris 2)

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