Dans un précédent article publié en février 2025 (DEF 20 févr. 2025, n° DEF224h9), Me Jean Auvolat, notaire à Craponne et fondateur de la Fondation Les Notaires Engagés du Rhône, nous avait expliqué comment les notaires de la Compagnie du Rhône avaient su, sous son impulsion, se mobiliser pour devenir des acteurs engagés de la solidarité locale en contribuant par un modèle simple et efficace au financement participatif de projets d’intérêt général.
Me Auvolat dresse pour nos lecteurs le bilan et les perspectives de la Fondation.
Pouvez-vous nous faire un bref rappel de la genèse et des objectifs de votre Fondation ?
La Fondation est née en 2022 d'une conviction simple : notre profession, au-delà de la rédaction d'actes, a un rôle social à jouer et à réinventer.
J'avais voulu donner corps à cette intuition en créant un modèle à la fois lisible et concret via le fameux « Un acte signé = un euro versé ».
Ainsi, depuis plus de trois ans, l’ensemble des notaires de ma Compagnie, soit plus de 650 officiers publics répartis sur l’ensemble du territoire du département du Rhône, participent aujourd'hui à ce mouvement.
Grâce à ce modèle et ce nouvel élan de confraternité, la Fondation a pu financer de nombreuses associations locales et apporter son soutien, notamment en aidant les étudiants en difficulté, en permettant un meilleur accès à la culture sur l’ensemble de notre territoire ou encore, pour cette année 2025, en mettant en lumière les aidants.
Plus de 180 000 € ont été distribués.
Au-delà du financement, qu'est-ce que cela change pour la profession notariale ?
En trois ans, la Fondation a démontré qu’un engagement collectif de professionnels pouvait se traduire par des résultats mesurables et utiles pour nos concitoyens.
Mais vous l’aurez compris, la Fondation ne se limite pas à un simple dispositif financier.
Elle permet en ce début de siècle aux notaires d'incarner à l’extérieur de leurs études une nouvelle manière d'habiter et de vivre leur mission dans la cité.
En participant à la vie locale, en soutenant des projets associatifs qui répondent à des fragilités concrètes, nous montrons que le notariat n'est pas seulement une institution juridique un peu éloignée, mais qu’il est avant tout une profession humaine, présente et engagée.
En interne et face à une nouvelle génération en quête de sens, nous invitons nos confrères à permettre à leurs collaborateurs de s’approprier les projets que nous portons.
En effet, nous pensons que discuter ensemble du thème annuel et/ou participer collégialement au choix des associations retenues par chaque office peut permettre de souder les équipes et créer un sentiment d’appartenance et de fierté contribuant à quelque chose qui dépasse le simple quotidien professionnel.
Un premier pas vers une démarche RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) pour chacune de nos entreprises.
À l’heure où les professions réglementées sont souvent mal comprises, la Fondation offre un autre visage du notariat : celui d’une profession responsable, ancrée dans les réalités sociales et attentive aux fragilités de nos territoires.
Quels sont les prochains grands axes de développement de la Fondation ?
Le premier d'entre eux a été d'intégrer depuis quelques mois et ce, à la suite de notre passage en Chambre interdépartementale, nos confrères des départements de l'Ain et de la Loire.
Nous souhaitons ainsi, avec près de 1 000 notaires, dupliquer notre fonctionnement et continuer notre ancrage dynamique sur ces nouveaux territoires.
Mais outre cette fusion, nous savons que nous sommes à une étape charnière de notre développement structurel. L'idée n'est pas de grandir pour grandir, mais de consolider et d'essaimer un modèle qui fait ses preuves.
À ce jour, trois axes se dessinent :
renforcer nos partenariats : nous souhaitons le faire avec des fondations privées ou publiques d’importance, afin de mieux nous faire connaître du grand public et multiplier l'impact des projets que nous portons ;
partager notre modèle : nous aimerions avec l'aide du CSN, partager notre élan à d’autres Compagnies et créer un réseau national de Fondations notariales respectant nos territoires en Métropole et dans les DOM-TOM ;
agir plus vite : nous pensons qu’il est important de mettre en place dans chaque Fondation notariale un fonds d'urgence permettant de répondre rapidement à des besoins imprévus, en dehors de nos appels à projets annuels. Ce fonds pourrait être mutualisé au niveau national pour de grandes causes.
Enfin, et sans trahir notre ADN, nous réfléchissons aussi à des passerelles avec d'autres professions du chiffre et du droit afin de porter des causes communes.
Finalement, quel rôle la Fondation peut-elle jouer dans l'évolution de la profession ?
Nous vivons une période de mutation où les professions réglementées sont parfois caricaturées et beaucoup de jeunes collaborateurs cherchent du sens dans leur métier.
La Fondation Les Notaires Engagés semble apporter une réponse à ces deux défis.
Elle permet tout d’abord d'incarner un notariat plus proche des réalités sociales, capable de montrer que ce dernier assume une responsabilité citoyenne et qu'il s'inscrit dans les enjeux de son temps.
Mais, également, elle renforce l’attractivité de la profession : pour un collaborateur, savoir qu'il contribue chaque jour à une action solidaire change la perception de son métier. Il en devient acteur et c'est une manière pour lui de se sentir utile bien au-delà de son quotidien.
Cet outil nous reconnecte à notre vocation originaire : être les gardiens du lien social. En cultivant cette responsabilité sociétale, nous montrons à ceux qui nous connaissent mal que le notariat sait se renouveler sans trahir ses fondamentaux.
Enfin, par ces temps de disette budgétaire, la Fondation peut permettre au notariat, grâce à un nouveau chemin philanthropique, d’apparaître comme une profession exemplaire dans l'invention de solidarités nouvelles.
(Propos recueillis par Liliane Ricco)
