Convention d’objectifs 2025-2028 : le président Bertrand Savouré invite le notariat à avancer !

Ref : Defrénois 11 sept. 2025, n° DEF227a4, p. 5

Le 1er juillet 2025, à l’occasion de l’assemblée générale du Conseil supérieur du notariat (CSN), Bertrand Savouré, son président, et Gérald Darmanin, garde des Sceaux, ministre de la Justice, ont signé la nouvelle convention quadriennale d’objectifs entre le notariat et l'État.

En raison de son importance, tant sur le plan pratique que symbolique, le Président Savouré revient, pour nos lecteurs, sur son contexte et son déploiement.

Pourquoi une convention d’objectifs entre l’État et le notariat est-elle souhaitable ?

La première convention a été signée en 2020, à une époque où l'on avait besoin de consolider la relation entre le notariat et l'État. S'il est vrai que nous sommes officiers ministériels, cette convention avait été un peu abîmée par le déploiement de la loi Croissance, dans un contexte tendu et suivi de la période du confinement.

Ces cinq dernières années ont été compliquées et la profession a justement ressenti le besoin de réécrire les bases d'une relation apaisée et productrice de valeurs pour le notariat dans sa relation avec l'État.

Dans un moment où nous avons besoin de travailler en confiance, il faut souligner que cette convention d'objectifs, parce qu'elle est bilatérale, illustre un mouvement de partage : nous prenons des engagements et, en contrepartie, nous sommes assurés de la confiance de l'État dans notre rôle, notre statut, nos missions.

Parce que c'est écrit et parce que l'État nous reconnaît dans ce statut, ces missions, ces fonctions, alors nous pouvons avancer en confiance sur la base d'un accord, pour atteindre des objectifs chiffrés. Il ne s'agit pas là d'une déclaration d'intentions mais d'une convention très concrète, très précise.

Depuis mon élection, je porte l'idée que le notariat est une profession qui doit être exemplaire. Son exemplarité est liée, bien sûr, à son statut — nous sommes officiers publics et ministériels, délégataires de la puissance publique, nous n'exerçons pas n'importe quelle profession —, et il est donc normal que nous soyons exemplaires. Mais en outre cette exemplarité nous permet de nous positionner comme partenaires légitimes pour les services de l'État lorsqu'une évolution législative ou réglementaire est nécessaire, ou lorsqu'il est nécessaire de préserver tel ou tel aspect de notre travail. C'est parce que nous sommes exemplaires et que nous avons conscience de notre propre responsabilité que l'on peut demander cela et que l'État peut nous entendre.

C'est cette relation bilatérale, sur laquelle j'insiste énormément, qui est nécessaire et aboutit à cette importante convention : on nous reconnaît dans nos missions, donc cela nous met en confiance et l'on peut, par conséquent, développer des projets précis ; et parce que l'on développe des projets précis et parce qu'on les réussit en atteignant les objectifs, on crée aussi la confiance nécessaire pour notre propre développement.

La convention est la démonstration que nous avons une mission que nous entendons remplir et que nous sommes une profession spécifique de ce point de vue. Il faut d'ailleurs souligner que cette convention a été signée par le ministre Darmanin, qui s'est déplacé chez nous, au CSN : je l'avais souhaité et demandé, et j'y ai vu une preuve de confiance supplémentaire.

L'exemplarité porte ses fruits. Cette convention et le fait qu'elle soit signée par notre ministre de tutelle, en personne, chez nous, et également par six ministères au total — ce qui est beaucoup plus que la fois précédente —, sont une démonstration supplémentaire de l'importance de notre rôle et de notre mission et il faut que cela se sache !

Quelles sont les différences avec la précédente convention et ses engagements majeurs ?

Tout d’abord il y a une différence de périmètre puisqu'elle est signée avec six ministères et des engagements supplémentaires y sont pris, avec une très grande transversalité. Beaucoup de matières sont couvertes, ce qui est normal puisque l'on intervient dans de nombreux domaines, au-delà de la simple mission d'authenticité qui est la nôtre. Il y a énormément de sujets sur lesquels on progresse. Et j'aime l'idée que ce soit très complet et très concret.

S’agissant des domaines nouveaux, je peux donner une illustration particulière avec la question de la souveraineté, puisqu'elle prend énormément de place dans la nouvelle convention, alors qu'elle était absente dans la précédente. C’est précisément l'un des axes majeurs de mon mandat : l'État et nous reconnaissons, ensemble, qu'il est légitime d'avoir une action particulière de sécurisation de nos offices, de protection des données de nos clients, et qu'à ce titre, il faut que nous mettions en place des actions concrètes et que l'on développe des outils afin que l'État nous reconnaisse légitimes à demander cette souveraineté, c'est-à-dire l'indépendance technologique et un travail spécifique sur la donnée de nos clients. Ce que nous sommes en train de faire, je l'ai expliqué dès le début de mon mandat, dans le cadre de la stratégie numérique de la profession notariale, très axée sur la souveraineté. Nous travaillons sur la donnée et mettons en place un plan d'action en matière de cybersécurité : nous le faisons et c'est écrit !

La souveraineté est un assez bon exemple, me semble-t-il, de cette bilatéralité de la convention. Elle impose que nous menions des actions (sécurité numérique, plan de formation numérique qui va se déployer à l'automne, etc.) et, en contrepartie, quand nous devons faire évoluer un texte pour améliorer cette souveraineté, l'État est là.

La réforme du décret de 1971 sur la comparution à distance, qui permettra au CSN de piloter, à partir du 1er octobre prochain, le système de comparution à distance, est une manifestation de cette souveraineté. Et si l'État, c'est-à-dire la Direction des affaires civiles, et le Conseil d’État ont accepté de modifier le décret, c'est qu'ils ont vu chez nous un besoin de souveraineté qu'ils ont reconnu.

Pouvez-vous nous en donner d’autres exemples ?

On peut dire un mot sur la question de la publicité foncière et, plus généralement, sur la dématérialisation de la relation avec l'État. C'est donc l'état-réponse ANF, la publication, la demande de copies et plus globalement la relation avec la publicité foncière qui sont au cœur du sujet. Là, nous avons un objectif chiffré qui paraît important, celui des taux de refus et de rejet qui ne doivent pas dépasser respectivement 2 et 3 %. Nous devons être absolument exemplaires sur cette question de gestion de la donnée que l’on transmet au fichier et sur son corollaire en matière successorale sur lequel nous travaillons en vue de la dématérialisation des déclarations de succession. Il s’agit d'un projet très actuel, très structurant pour la profession.

Nous sommes les seuls à nous être engagés, depuis longtemps, sur le sujet de la dématérialisation dans la relation avec l'État : le projet d'e-enregistrement en cours en est un autre exemple, qui engage beaucoup de notaires, de moyens, de temps, de ressources.

Nous pouvons ensuite évoquer la lutte contre le blanchiment pour lequel nous avons déjà une reconnaissance du travail très important accompli avec le plan d'action 2023-2025 qui conduit aujourd'hui tous les notaires, non seulement à suivre la formation obligatoire mise à leur disponible, mais également à établir, dans chacune de leurs études, une procédure écrite. Tout cela est disponible et fourni par le CSN. J'insiste sur ce point parce qu'il y a une recommandation européenne qui est en train de se déployer en France et qui va repenser la gouvernance complètement au niveau politique (le « paquet AML »). Il est primordial que la profession soit exemplaire pour montrer que l'on a raison de considérer qu'elle est, sur ce point, quasiment autorégulée : nous méritons de l'être puisqu'on a su prendre les mesures pour déployer la LCB-FT. Aujourd'hui, 70 % des études sont formées ; il faut attendre les 100 % d'ici la fin de l'année.

Sur l'international, un travail considérable et énormément d'actions ont été entrepris : je reviens du Maroc, j’étais à Hanoï également. Nous sommes vraiment un support de déploiement du droit continental.

Concernant la politique du handicap, avec notre projet Not’isme, nous expliquons qu'il est normal que la profession notariale se mette à disposition des familles dans lesquelles existent des situations de handicap, afin de déployer notre savoir et un accueil particulier. Mais nous pouvons également évoquer les sujets de l'accès au droit, la rénovation énergétique : toutes nos actions sont conformes à ce que l'on appelle « la stratégie de l'engagement de la profession » et illustrent parfaitement le fait que le notaire est au cœur de la cité.

Nous pouvons enfin évoquer la situation des successions vacantes qui est un grand sujet pour l'État. Nous travaillons actuellement avec lui pour voir comment le dispositif existant pourrait être amélioré. Voilà un bon exemple de partenariat car nous réfléchissons ensemble parce que c'est pénalisant des deux côtés : c'est un vrai problème pour l'État mais c'est un vrai problème pour les offices aussi.

Et concernant le maillage territorial et la médiation ?

Le maillage territorial est en effet un sujet primordial que j'ai démontré – plus qu’expliqué en fait – à l'Autorité de la concurrence, à plusieurs reprises ces derniers temps. Ce maillage est essentiel pour fournir l'accès au droit à tout le monde et faire de l'inclusion. C'est une fierté de notre profession. Il faut redire que nous sommes la profession qui assure la plus grande proximité et nous y avons consacré énormément d'énergie et de moyens, grâce à des plans d'aide très importants (le PCMT, programme de consolidation du maillage) avec le soutien de la banque des Territoires, qui permet d'aider les offices en situation délicate, dans des zones difficiles, et qui subissent beaucoup plus l'écrêtement. Il faut souligner les efforts importants mis en place pour maintenir ce maillage parce que cela n'est pas toujours vu et c'est pourquoi il était impératif de l'inclure dans la convention. Parce que le maillage, ce n’est pas naturel, ce n’est pas forcément facile. Quand je vais à Mayotte, et que je vois trois études avec des notaires investis, des collaborateurs souriants, qui font le job, dans des conditions d’adversité, on peut le dire, je dis qu'il n'y a pas beaucoup de professions qui en sont capables !

Par ailleurs, l’amiable et le notaire médiateur sont des sujets qui ont pris énormément d'ampleur, notamment sous l'impulsion du ministre Dupond-Moretti qui en avait fait un axe majeur de son travail. Aujourd'hui, nous disposons d'énormément de centres de médiation notariale qui fonctionnent parfaitement. Le développement des modes alternatifs de règlement des différends est très important et il est écrit dans cette seconde convention que le notaire est au cœur de ce dispositif.

Nous sommes un relais des politiques publiques en tant que profession réglementée et officiers ministériels.

Quel message souhaitez-vous adresser à tous les notaires ?

Je souhaite que les notaires aient conscience et sentent qu'ils sont soutenus.

Dans les années à venir, nous avons de nombreux défis à relever, mais nous avançons groupés et en sécurité, ce qui n'a pas toujours été le cas dans une époque récente. Évidemment, je parle de la loi Croissance, mais pas seulement.

Aujourd’hui, nous sommes soutenus par l'État. Cela ne veut pas dire que tout est parfait. Bien sûr, nous sommes toujours face à l'Autorité de la concurrence, qui est une autorité indépendante et qui porte sur nous un regard que l’on estime parfois trop décalé par rapport à notre réalité.

Donc le message que je veux faire passer aux notaires, c'est on avance : on travaille avec nos clients, on développe notre clientèle, on développe nos offices, on développe des outils. L'avenir nous appartient. C'est ça le message !

Je veux bien expliquer aux notaires qu'il faut être meilleurs à condition que je sache que, derrière, l'État me dit qu’il l’apprécie car, alors, nous sommes soutenus dans ce développement et dans ces actions. Et si parfois il y a une crise économique, si parfois nous sommes fragilisés par tel ou tel type de concurrence, ou aussi parce qu'on nous donne des missions supplémentaires comme le contrôle du blanchiment, comme l’apostille, qui sont des missions difficiles, mal rémunérées, tout ça participe d'un ensemble, un ensemble dans lequel il y a des obligations mais il y a aussi des bénéfices.

(Propos recueillis par Liliane Ricco)

Suivez en temps réel l'actualité defrénois

Recevez en temps réel, sur votre smartphone, votre tablette ou votre ordinateur, une notification de nos dernières actualités publiées sur le site