L'invitation du président Yves Delecraz au 119 e congrès des notaires de France

Ref : Defrénois 15 déc. 2022, n° DEF211n5, p. 5

Bruno Levy/Divergence-images

Me Yves Delecraz

président du 119e congrès des notaires de France,

notaire à Lyon,

Bremens I Notaires

Le 119e congrès des notaires de France aura lieu les 27, 28 et 29 septembre 2023 à Deauville sur le thème suivant : « Le logement – Le devoir de faire mieux, le Droit pour faire autrement ».

Son président, Me Yves Delecraz, notaire à Lyon, nous livre un premier aperçu de l’approche de ce sujet passionnant ; il pilote une équipe au travail déjà depuis plus d’une année sous la direction de son rapporteur général, Me Éric Cévaër, notaire à Cap d’Ail.

Pourquoi avoir choisi le thème du logement ?

Après le thème très large retenu par l’équipe du 118e congrès, j’ai choisi un sujet plus ciblé : le logement, sur lequel la réflexion des notaires a une vraie légitimité.

Nous intervenons, en effet, quotidiennement pour assister nos clients sur les problématiques liées au logement, qu’il s’agisse d’institutionnels ou de professionnels dans le cadre d’opérations d’aménagement urbain ou encore de particuliers qui achètent ou vendent leur logement, ou aussi lorsqu’il faut mettre en place la protection du cadre de vie du survivant dans un couple.

Les travaux du 119e congrès vont intéresser l’ensemble des notaires de France, quels que soient leur lieu d’exercice et la taille de leur structure !

Le logement est en crise depuis plus de 30 ans, quel est votre diagnostic ?

Une crise qui dure en effet depuis plus de 30 ans n’est plus vraiment une crise et on peut regretter qu’elle se soit finalement installée sans amélioration significative.

Nous sommes d’ailleurs partis de ce constat pour essayer de comprendre pourquoi ce sujet, pourtant majeur pour le quotidien et l’avenir des Français, n’est pas considéré aujourd’hui comme une priorité nationale.

En réalité, le sujet logement est dans l’angle mort des préoccupations des Français qui, comme en témoignent régulièrement les enquêtes d’opinion, ne mettent pas le logement au premier rang de leurs préoccupations ; ils sont plutôt inquiets de leur pouvoir d’achat eu égard aux difficultés pour payer leur plein d’essence, leur loyer ou leur facture de chauffage.

Le plein d’essence, c’est la question des trajets domicile/travail, c'est bien la question du logement, celle de sa localisation ; le loyer, c’est aussi la question du logement avec la problématique centrale de son coût et la facture de chauffage, c'est encore le logement avec la question des performances énergétiques des bâtiments.

C’est en améliorant la situation du logement dans toutes ces dimensions que les Français vivront mieux !

Quant aux pouvoirs publics, ils peuvent se satisfaire d’un marché du logement dynamique avec des transactions à des niveaux historiques et, à la clé, des recettes fiscales et un marché de l’emploi bien orienté dans ce secteur. Cette bonne santé apparente dissimule, en réalité, une situation inquiétante pour un nombre croissant de nos concitoyens qui ont du mal à trouver un logement abordable et adapté à leurs besoins.

À nous de mettre la lumière sur cet angle mort et nous inviterons nos confrères à ouvrir les yeux sur ces questions pour faire œuvre utile !

Quels sont les défis à relever s’agissant du logement ?

Aujourd’hui, le logement est trop rare dans les zones tendues où la demande est la plus forte. Il est également trop cher et, enfin, il n’est pas vertueux sur le plan de la protection de l’environnement.

Il est au centre de trois défis majeurs : social, écologique, économique ; 12 000 000 de personnes vivant dans des conditions dégradées (dont 300 000 sans-abris), 25 % des émissions de gaz à effet de serre et pourtant première filière économique du pays.

Le logement est en crise depuis ces 30 dernières années et cela ne peut plus durer ; il est sans doute l’un des sujets majeurs des 30 prochaines et nous devons repenser totalement la production et l’utilisation des logements si nous voulons éviter l’explosion sociale et sauver la planète.

Quelles solutions proposez-vous pour repenser le logement ?

Nous avons abordé le logement de manière chronologique en partant de sa production, puis en analysant ses modes d’accession et, enfin, en examinant les moyens de le pérenniser dans le temps.

Trois temps traités par trois commissions :

La première commission (« Développer l’offre de logements ») envisage l’ensemble des moyens à mettre en œuvre pour produire des logements.

Il y a d’abord indéniablement un problème de volume de production : il faut produire plus mais il faut produire mieux.

Faire mieux, c’est ici sans doute faire ensemble, et nous réfléchissons à l’amélioration des partenariats public/privé pour rendre l’action des différents acteurs plus efficace et mieux acceptée.

Faire autrement, c’est aussi faire plus souple, en envisageant, par exemple, de desserrer ab initio l’étau de l’affectation bloquée par le permis de construire, avec la création d’un permis de construire multidestination facilitant la réversibilité des bâtiments dans le temps.

La deuxième commission (« Favoriser l’accès au logement ») travaille sur les nouvelles solutions qui permettraient notamment de rendre le logement moins cher.

Il faut être clair : dans une économie ouverte, agir sur le prix direct du logement en zone tendue, là où les ménages veulent habiter et où les terrains sont rares, est extrêmement difficile.

Faire mieux et autrement, c’est ici, en revanche, s’interroger sur l’évolution des modes d’accession au logement ; la propriété classique telle que nous la connaissons depuis des siècles a vocation à évoluer vers des modes de détention moins coûteux ou plus facilement finançables qui passent par la dissociation du foncier et du bâti ou par une propriété évolutive dans le temps ou l’espace. Nous explorons ces voies pour les développer.

Le levier fiscal doit aussi être utilisé ; la création d’un statut fiscal unique du bailleur indépendant du caractère nu ou meublé de la location est une piste intéressante pour redonner au logement une place centrale dans l’investissement privé.

Quant à la troisième commission (« Pérenniser le logement »), elle pénètre dans la dimension purement privée du logement en réfléchissant aux solutions qui permettent d’adapter le logement en fonction de l’évolution des besoins de ses occupants et des épreuves de la vie.

Le logement est aujourd’hui protégé par la loi mais cette protection apparaît perfectible et il faut faire mieux notamment en l’absence de lien conjugal ou lorsque le logement est détenu par une SCI.

La protection est en revanche parfois excessive, par exemple dans un mandat de protection future où la vente du logement requiert toujours une autorisation judiciaire.

Le logement n’est évidemment pas un sujet banal, il est au cœur de la vie de nos concitoyens ; il n’est pas un actif comme les autres, il est un prolongement de la personnalité de chacun et les notaires le savent bien lorsqu’ils accompagnent leurs clients à l’occasion de la vente ou de l’achat de leur logement. C’est une tranche de vie qui commence ou qui s’achève dont ils sont les témoins privilégiés.

Alors relevons ensemble le défi de faire mieux en utilisant le Droit pour faire autrement !

Nous attendons nos confrères pour débattre de ce sujet majeur, les 27, 28 et 29 septembre 2023 dans cette magnifique ville de Deauville où le congrès retrouve ses quartiers après très exactement 20 ans !

(Propos recueillis par Liliane Ricco)

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