L'ingénierie notariale du 118 e congrès : des innovations, de l'audace et des retrouvailles !

Ref : Defrénois 20 oct. 2022, n° DEF210h1, p. 5

À nouvelle édition, nouveaux formats : l'équipe du 118e congrès des notaires, qui vient de se tenir à Marseille du 12 au 14 octobre 2022, a souhaité faire encore évoluer « l’évènement phare de l’année pour le notariat ».

L'ouverture sur la formation...

Lors de l'ouverture par les instances et représentants locaux, le président Thierry Delesalle soulignait les différents temps qui rythmaient cette édition 2022 :

  • le temps de la réflexion, illustré par le rapport de près de 1 500 pages, produit par son équipe, et par les deux jours qui allaient être consacrés aux débats avec ses trois commissions ;

  • le temps de la gestion, avec 135 stands s’adressant aux notaires en qualité de chefs d’entreprise ;

  • le temps de la cohésion, dont ont témoigné les participants revenus, après ces deux années de pandémie, en nombre (3 800 congressistes et 400 étudiants, auxquels s'ajoutent 900 exposants et 80 journalistes) ;

  • et le temps de la formation, initié à Nantes par le 112e congrès, au cours duquel les premières master class étaient proposées et qui, aujourd’hui, aboutissent à une offre complète empruntant quatre parcours (immobilier, entreprise, familles et Family Office).

Il laissait alors la parole à Me Caroline Oron, présidente du conseil régional des notaires de la cour d’appel d'Aix-en-Provence, heureuse d’accueillir les congressistes dans la « ville monde » qu’est Marseille, véritable phare de la Méditerranée, à l’image du phare choisi par l'équipe du congrès, breton car « dans le cœur, on a tous un phare préféré ».

À la tribune lui succédait Me Gisèle Laveissière, présidente de la chambre départementale des notaires des Bouches-du-Rhône, invitant à un voyage dans le temps : en 1423, sous le règne de Louis III, comte d’Anjou et de Provence, parti en campagne d'Italie pour conquérir le royaume de Naples, laissant Marseille sans soldats ni navires ; Alfonse V, roi d’Aragon, assiège la ville qu’il livre aux pillages et aux incendies. La Confrérie des notaires de Marseille enfouit alors le plus grand nombre des minutes détenues dans l’une des six chapelles de l’église des Accoules, devenue ainsi leur gardienne et considérée comme l’ancêtre du MICEN par les notaires marseillais qui célèbrent, depuis le 2 février 1424, cette fête patronale des notaires de la Confrérie marseillaise.

Puis le vice-président du 118e congrès, Me Laurent Rose, et la 1re vice-présidente du CSN, Me Sophie Sabot-Barcet, invitaient les congressistes à poursuivre cette première journée, tout entière consacrée, pour la première fois, à la formation.

Enfin, la présidente de l’Assemblée de Liaison, Marie-Florence Zampiero Bouquemont, présentait la 73e session qui se tiendra à Paris les 5 et 6 décembre 2022 sur le thème « Du conflit à l’art de la paix ».

... et la traditionnelle ouverture solennelle des travaux

La journée débutait par l'ouverture solennelle des travaux du congrès et par le discours d’accueil du président Delesalle, non seulement des congressistes venus à Marseille, notaires et délégations étrangères, mais aussi, à travers les 2 000 connexions dans les études, à l'adresse d'environ 5 000 collaborateurs également salués.

L’ensemble de l’équipe était alors invité à monter sur scène, avant que le président détaille notamment les trois principaux facteurs de l’essor de la profession :

  • il nous projetait sur les marchés immobiliers à 20 ou 30 ans, évoquant le risque de voir disparaître l'actuelle manne immobilière en raison du risque d’extension du « ZAN – Zéro Artificialisation Nette » déjà expérimenté par certaines communes, comme Marseille  ;

  • il soulignait la fragilité de la pérennité de l’acte authentique à laquelle veille pourtant le CSN ;

  • et il mettait en garde contre la baisse du tarif, épée de Damoclès pesant sur le notariat plus précisément depuis la loi Croissance.

Ses propos se voulaient néanmoins rassurants grâce à la capacité de dispenser du conseil « sur-mesure », voire « haute couture », et aux atouts de la profession : formation, permettant au notaire d’être à la fois généraliste et spécialiste ; pédagogie, puisque les praticiens sont les premiers professeurs de droit auprès des clients ; conseil désintéressé et impartial, permettant d’exercer l’activité de Family Officer ; et solidarité, la plus grande force du notariat pour, ensemble, amorcer le virage de la profession.

Après avoir délivré sa conviction profonde que les notaires ne subiront pas l’avenir, mais le feront, il laissait la parole à Gilles Finchelstein, directeur de la Fondation Jean Jaurès, pour parler de la société de méfiance, telle qu'elle ressort de l'analyse du baromètre sur les fractures françaises. Pour lui, pas de notaire sans confiance et, symétriquement, pas de confiance sans notaire, en particulier dans cette société de défiance généralisée, envers les institutions (médias, syndicats, partis politiques), envers les autres mais également envers l’avenir. Néanmoins, il exite une raison de rester optimiste : les 58 points de confiance des Français à l’égard de leur notaire, pourcentage au-dessus de toutes les autres institutions.

Le rapporteur général, Me Alexandre Thurel, montait alors sur scène et témoignait des réactions, très mesurées, qu'avait suscitées l’annonce du thème de « l’ingénierie notariale » : imprécis et abstrait, prétentieux et hors-sol, sujet d’un congrès pour les Parisiens, les Lyonnais et les Marseillais, ou encore à destination d’une certaine clientèle…

Il rappelait en réponse que la vocation première des praticiens est la délivrance d’un conseil juste et éclairé, qui s’inscrit dans le long terme et suppose l'écoute du client, et, comme l’illustre le sous-titre du 118e congrès, que ses objectifs sont d’anticiper et de pacifier, pour une société harmonieuse en tout domaine, immobilier, entreprise et famille. L’équipe a ainsi fait œuvre de pédagogie à travers un travail d’analyse et de rédaction juste et élégante, à l’instar de l’ingénieur Marcel Dassaut pour qui « chaque fois qu’un avion est beau, il vole bien ».

Deux nouveautés ont par ailleurs été soulignées :

  • un vœu collectif, porté par les trois commissions pour assouplir le contrat de fiducie ;

  • et, aux côtés des propositions, voulues simples, claires et utiles, des recommandations essentiellement techniques, ne nécessitant pas d’être débattues en salle, également remises au directeur des affaires civiles et du Sceau et au président du CSN en raison de leur caractère nécessaire pour amender certains dispositifs législatifs existants.

Enfin, il concluait ses propos par un appel à la confiance en soi et il partageait son souhait d’un congrès réussi, c’est-à-dire un congrès à la suite duquel l’ingénierie notariale soit perçue et comprise comme le cœur et l’identité profonde du métier et de la mission du notaire.

Le président du CSN, Me David Ambrosiano, prenait alors la parole en énumérant tous les motifs d’un funeste spectacle alors que ce jour de retrouvailles méritait mieux. Il proposait, au contraire, de partager avec lui quatre clés de vie :

  • être conscients des responsabilités propres au notariat et les assumer à plein et à fond ; une profession organisée, ordonnée, disciplinée et soumise à la tutelle d’un seul acteur, la Chancellerie ;

  • en ces temps de crise, éviter de s’inventer des problèmes ; alors que la mise à jour tous les 2 ans de la carte des créations d’offices ne semble pas prioritaire pour le bien-être et le moral des concitoyens et qu’il semble sage de s’accorder une pause prolongée avec une discussion sur la structure du tarif en associant en amont la profession, le président se félicitait de la publication, enfin, au Journal officiel du 8 octobre 2022, du décret relatif à la réforme de la formation initiale des notaires (DEF flash 19 oct. 2022, n° DFF205o4) ;

  • reconnaître avec lucidité ses adversaires et cultiver ses vrais alliés, avec l’espoir que soit élu Me Lionel Galliez à la présidence de l’UINL en novembre 2022 afin qu’il porte haut et loin l’étendard du droit continental ;

  • et, pour finir mais sans doute la principale, l’humanité, à l’origine de la force du notariat ; rendre le droit accessible et vivre tous les jours la raison d’être du notariat, pleinement.

En conclusion de son allocution, et au terme de son mandat, il tenait, non sans émotion, à remercier de l’enthousiasme et de l’intérêt qui lui avaient été témoignés pour l’action de son bureau.

Le directeur des affaires civiles et du Sceau, Rémi Decout-Paolini, revenait ensuite sur les relations excellentes entre la profession et la Chancellerie, puis Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, garde des Sceaux, retenu à Luxembourg par ses obligations européennes, témoignait par vidéo de l’attachement particulier qu’il avait pour les notaires de France et sa reconnaissance pour leur rôle essentiel au service de la justice, du conseil et de la sécurité juridique des concitoyens.

Synthèse et rendez-vous

Les débats en commission achevés et toutes les propositions adoptées, c’est avec un brillant rapport de synthèse du professeur Charles Gijsbers que le 118e congrès se clôturait : un congrès ne ressemblant à aucun autre, original par sa première journée exclusivement réservée à la formation, original également par son sujet transversal et proposant une ingénierie audacieuse comme les 13 propositions l’ont prouvé. L’honneur de la profession est d’être un ingénieur notarial au profit des clients mieux et plus largement conseillés.

La fin d’un congrès annonce le suivant : c’est à Deauville du 27 au 29 septembre 2023, sur le thème du logement, que le président de la 119e édition, Me Yves Delecraz, entouré de son équipe, invitait les congressistes.

1re commission : L'ingénierie notariale au service du projet immobilier

Proposition 1 – Vente d'immeuble et définition de la notion de professionnel

Adoptée à 95,3 %

Le 118e congrès des notaires de France propose de porter les définitions suivantes en créant deux nouveaux articles du Code civil :

Article 1582-1 du Code civil : « En matière de vente immobilière, la qualité d’acheteur ou de vendeur professionnel est reconnue à celui qui se livre à titre habituel à des opérations d’achat ou de vente de biens immobiliers. »

Article 1645-1 du Code civil : « Le vendeur professionnel au sens de l’article 1582-1 est présumé connaître les vices de la chose.

Est également présumé connaître les vices de la chose, le vendeur disposant des compétences techniques lui permettant de les déceler.

En matière de vente immobilière, le vendeur est également présumé connaître les vices de la chose se rapportant aux travaux qu’il a lui-même réalisés. Le vendeur pourra néanmoins s’exonérer de la garantie des vices cachés correspondante pour autant qu’il ait informé l’acquéreur de la nature des travaux réalisés. Cette information devra être délivrée au plus tard lors de la signature de toute promesse de vente ou, à défaut, lors de la signature de l’acte de vente. »

Proposition 2 – Vente d'immeuble et installations classées - Pour une prise en compte de la qualité du vendeur

Adoptée à 96,7 %

Le 118e congrès des notaires de France propose de distinguer, dans le cadre des obligations d’information dont tout vendeur est débiteur au titre de l’article L. 514-20, alinéa 1er, du Code de l’environnement :

  • d’une part, le vendeur exploitant ou le vendeur professionnel, lesquels doivent rester soumis à une obligation de résultat ;

  • d’autre part, le vendeur ni exploitant ni professionnel, qui ne devrait être soumis qu’à une obligation de moyens, tout au moins en ce qui concerne la période précédant sa détention.

Ancienne rédaction :

« Lorsqu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; il l'informe également, pour autant qu'il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation.

Si le vendeur est l'exploitant de l'installation, il indique également par écrit à l'acheteur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. L'acte de vente atteste de l'accomplissement de cette formalité.

À défaut, et si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la pollution, l'acheteur a le choix de demander la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente. »

Nouvelle rédaction :

« Lorsqu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur. Lorsque le vendeur n'est pas un professionnel au sens de l'article 1582-1 du Code civil, cette obligation d'information ne porte que sur les installations dont il a connaissance et celles qui sont recensées dans les bases de données publiques accessibles au jour de la vente.

(…). »

Proposition 3 – La prise en compte de la qualité de l'acquéreur en vente en l'état futur d'achèvement (VEFA)

Adoptée à 89,3 %

Le 118e congrès des notaires de France propose d’ajouter aux critères permettant de distinguer les champs d’application respectifs du secteur libre et du secteur protégé un critère se rapportant à la qualité de l’acquéreur en VEFA.

Ce critère pourrait utilement renvoyer à la notion de professionnel de l’immobilier dont la définition a été suggérée dans la proposition intitulée « Vente d’immeuble et définition de la notion de professionnel » visant à la création d’un nouvel article 1582-1 du Code civil.

Un renvoi à la notion de consommateur avait déjà été envisagé par le législateur dans le cadre des discussions sur la loi ELAN. Cette modification a été opportunément retirée car elle ne portait que sur le contrat de VEFA. Dans un souci de cohérence, cette modification devrait porter à la fois sur le contrat de VEFA (la matrice des contrats de construction) mais également sur les autres contrats de promotion.

Le texte devant être modifié est :

Article L. 261-10 du CCH

Ancienne rédaction :

« Tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation et comportant l'obligation pour l'acheteur d'effectuer des versements ou des dépôts de fonds avant l'achèvement de la construction doit, à peine de nullité, revêtir la forme de l'un des contrats prévus aux articles 1601-2 et 1601-3 du Code civil, reproduits aux articles L. 261-2 et L. 261-3 du présent code. Il doit, en outre, être conforme aux dispositions des articles L. 261-11 à L. 261-14 ci-dessous. »

Nouvelle rédaction :

« Tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation et comportant l'obligation, pour un acheteur qui n’est pas un professionnel de l’immobilier au sens de l’article 1582-1 du Code civil, d'effectuer des versements ou des dépôts de fonds avant l'achèvement de la construction doit, à peine de nullité, revêtir la forme de l'un des contrats prévus aux articles 1601-2 et 1601-3 du Code civil, reproduits aux articles L. 261-2 et L. 261-3 du présent code. Il doit, en outre, être conforme aux dispositions des articles L. 261-11 à L. 261-14 ci-dessous. »

Proposition 4 – D'une vente immobilière consensuelle à une vente solennelle

Adoptée à 90,9 %

Le 118e congrès des notaires de France propose de solenniser le contrat de vente d’immeuble. À cet effet, les textes devant être modifiés sont :

Article 1582 du Code civil

Ancienne rédaction : « La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer. Elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé. »

Nouvelle rédaction : « La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer. »

Article 1583 du Code civil

Ancienne rédaction :

« Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. »

Nouvelle rédaction :

Article 1583 (sans changement) : « Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. »

Article 1583-1 : « Par exception, la vente d’un immeuble doit être constatée par acte authentique à peine de nullité. Cette nullité ne peut être invoquée que par l’une des parties au contrat. La violation d’un engagement de vendre ou d’acheter non constaté par acte authentique ne peut donner lieu qu’à l’octroi de dommages et intérêts. »

2e commission : L’ingénierie notariale au service du projet de l’entreprise

Proposition 1 – Pour une nouvelle forme de société : la société libre

Adoptée à 89,6 %

Le 118e congrès des notaires de France propose l’institution d’une nouvelle forme sociale : la société libre.

La société libre est un outil innovant, à disposition des TPE, PME, ETI et grands groupes.

Libre d’entreprendre dans un cadre protecteur.

Libre d’entreprendre dans un cadre adapté.

Un outil simple, souple et de confiance.

Proposition 2 – Pour une harmonisation du régime juridique des « droits sociaux » non cotés

Adoptée à 96 %

Le 118e congrès des notaires de France propose :

1°) Une abrogation de l’article 1832-2 du Code civil en contrepartie :

  • de la possibilité pour des époux communs en biens de transférer à tout moment la qualité d’associé entre eux dans le respect du pacte statutaire ;

  • de l’extension de l’article 1424 du Code civil à tous les titres de société non cotés.

2°) Une reconnaissance expresse de la distinction entre le titre et la finance pour tous les titres de société non admis sur un marché réglementé de cotation, quelle que soit leur nature (droits sociaux négociables et droits sociaux non négociables).

Proposition 3 – Pour la création d'un certificat de conformité juridique et éthique

Adoptée à 69 %

Le 118e congrès des notaires de France propose :

La création d’un examen de conformité juridique et éthique, défini par le législateur comme étant une « prestation contractuelle au titre de laquelle un professionnel, exerçant une profession réglementée, s’engage en toute indépendance, à la demande d’une entreprise, à se prononcer sur la conformité aux règles juridiques et éthiques des points prévus dans un chemin d’audit et selon un cahier des charges. »

Le contenu de ce certificat, valable trois ans, pourra librement être diffusé par l’entreprise dans le cadre de son activité.

Proposition 4 – Pour une réforme du fonds de pérennité

Adoptée à 96,5 %

Le 118e congrès des notaires de France propose :

1°) Que le fonds de pérennité puisse être créé tant par une personne physique que par une personne morale ;

2°) Qu’il soit présumé qu’une donation de titres à un fonds de pérennité par une société soit conforme à l’intérêt social de la société pour éviter toute incertitude sur le risque d’acte anormal de gestion ;

3°) Qu’au plan fiscal, la transmission d’actifs au fonds de pérennité soit neutre et notamment :

  • que les plus-values réalisées par les personnes morales à la suite de l’apport de titres de société à un fonds de pérennité, en cours de vie du fonds de pérennité, bénéficient d’un sursis d’imposition (comme le sont déjà les plus-values constatées lors d’un apport réalisé au moment de la dotation) ;

  • que les dotations sous forme d’apport à titre gratuit d’autres biens que des titres de capital ou de parts sociales ne constatent pas de plus-value taxable ;

  • que le pacte Dutreil trouve à s’appliquer aux donateurs personnes morales.

3e commission : L’ingénierie notariale au service des familles

Proposition 1 – La création d'un nouveau régime d'information pour les futurs époux : le certificat prénuptial

Adoptée à 63 %

Le 118e congrès des notaires de France propose de rendre obligatoire une information juridique prénuptiale, délivrée par un notaire.

Pour ce faire, il y a lieu de rajouter quatre nouveaux alinéas à l’article 1387 du Code civil, qui seraient désormais ainsi rédigés :

Article 1387 du Code civil : « La loi ne régit l'association conjugale, quant aux biens, qu'à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu'elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent.

Un notaire reçoit simultanément les futurs époux et les informe sur le contenu des différents régimes matrimoniaux.

Cette information est obligatoire et non rémunérée.

Elle a lieu dans l’année précédant le mariage.

Pour les mariages célébrés à l’étranger, lorsque la loi applicable au régime est la loi française par choix des époux, ce certificat pourra être établi à distance par un notaire français. »

Il y aura, également, lieu d’ajouter un tiret à l’article 63, alinéa 2, 1°, du Code civil, qui contient l’énumération des pièces à remettre à l’officier d’état civil, en vue de la publication des bans, et qui serait désormais, ainsi rédigé :

« (…)

- un certificat établi par un notaire, attestant, à l’exclusion de toute autre indication, que les intéressés ont été reçus dans le cadre de l’information obligatoire prévue au second alinéa de l’article 1387 du présent code ;

2° (…) ».

Proposition 2 – Sécuriser la détermination de la prestation compensatoire

Adoptée à 94,7 %

Le 118e congrès des notaires de France propose que faute d’accord des parties sur le montant de la prestation compensatoire, le juge, saisi d’une demande en divorce, ne se prononce sur le divorce et l’octroi d’une prestation compensatoire que si la liquidation du régime matrimonial est jointe à la requête en divorce.

Les textes devant être modifiés sont :

Article 272 du Code civil

Ancienne rédaction : « Dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie. »

Nouvelle rédaction : « Dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire par le juge ou par les parties, celles-ci fournissent au juge :

  • une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie ;

  • l’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu'il n'y a pas lieu à liquidation.

À défaut d’un accord des parties sur la liquidation de leur régime matrimonial, le juge, conformément à l’article 255-10, désignera un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation.

Dans le cadre d’une demande de révision de la prestation compensatoire, seule la déclaration sur l’honneur est fournie au juge. »

Article 1075-1 du Code de procédure civile

Ancienne rédaction : « Lorsqu'une prestation compensatoire est demandée au juge ou prévue dans une convention, chaque époux produit la déclaration sur l'honneur mentionnée à l’article 272 du Code civil. »

Nouvelle rédaction : « Lorsqu'une prestation compensatoire est demandée au juge ou prévue dans une convention, les époux doivent produire, conformément aux mentions de l’article 272 du Code civil :

  • la déclaration sur l'honneur ;

  • l’état liquidatif du régime matrimonial ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation. »

Proposition 3 – Vers une contractualisation de la contribution des époux aux charges du mariage

Adoptée à 91,2 %

Le 118e congrès des notaires de France propose de permettre la contractualisation du périmètre des charges du mariage.

Pour ce faire, il y a lieu de rajouter un nouvel alinéa à l’article 214 du Code civil comme suit :

« Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.

Les époux peuvent, dans leur convention matrimoniale, définir les dépenses qui relèvent ou non des charges du mariage.

Si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au Code de procédure civile. »

Proposition 4 – Pour une vocation successorale de souche

[Proposition soutenue par le professeur Michel Grimaldi et qui fait l'objet d'un commentaire ci-après par Me François Letellier]

POUR UNE TRANSMISSION SUCCESSORALE CONCERTÉE AU SEIN DES FAMILLES

Adoptée à 95,3 %

Le 118e congrès des notaires de France propose :

I/ de reconnaître à l’héritier au premier degré, la faculté de décider seul de la quotité qu’il entend retenir dans la succession dont il est saisi.

Il peut exercer cette faculté au bénéfice de sa propre souche, le surplus profitant alors aux héritiers de deuxième degré (transmission intra-souche).

S’il n’a pas de descendant, il peut exercer cette faculté au profit des autres souches, le surplus profitant alors aux héritiers de premier degré de ces autres souches (transmission inter-souche).

L’acceptation des héritiers concernés devra intervenir au sein d’un seul et même acte.

Cette divisibilité de l’option ne peut s’exercer que dans la ligne descendante et dans la ligne des collatéraux privilégiés et s’accompagne en outre d’une neutralité fiscale.

II/ d’affirmer la place de la souche dans le droit successoral, en retenant désormais le principe selon lequel une succession est dévolue par souche.

Dès lors, la représentation successorale devient sans objet.

Proposition transversale

Pour un essor de la fiducie

Adoptée à 85,9 %

L’équipe du 118e congrès des notaires de France propose :

1°) De modifier l’article 2012 du Code civil comme suit : « La fiducie est établie par la loi, par contrat ou par testament authentique. Elle doit être expresse. »

D’abroger l’article 2013 du Code civil qui prohibe, à ce jour, la fiducie motivée par une intention libérale, ainsi que le régime fiscal d’exception qui la sanctionne lourdement.

De modifier le premier alinéa de l’article 2029 du Code civil de telle sorte que le décès du constituant personne physique ne mette pas fin au contrat de fiducie.

D’abroger le second alinéa de l’article 2030 du Code civil qui prévoit le retour du patrimoine fiduciaire à la succession du constituant à son décès.

Le tout, afin de permettre le recours à la fiducie-libéralité entre vifs et par voie testamentaire pour autant qu’elle ait été constituée par acte notarié à peine de nullité.

2°) De modifier l’article 2015 du Code civil en élargissant le corpus de fiduciaires aux notaires et lorsque le but déterminé est à caractère environnemental, aux personnes énoncées à l’article L. 132-3 du Code de l’environnement, pouvant être créancières dans le cadre d’une obligation réelle environnementale.

Un notariat en marche vers l’avenir !

À propos de la 4e proposition de la 3e commission

Vu par Me François Letellier

notaire à Clermont-Ferrand, docteur en droit, chargé d’enseignement à l’université Clermont-Auvergne, rapporteur de la 2e commission du 111 congrès des notaires, président de la 2e commission du 116e congrès des notaires

De l’avis général, le 118e congrès des notaires de France qui s’est tenu à Marseille du 12 au 14 octobre est un congrès « haut de gamme », pour reprendre une expression chère à Fabrice Luchini lors du spectacle qu’il y a donné. Haut de gamme tant dans toute son organisation logistique que dans ses travaux intellectuels. Profitons également de ces lignes pour saluer la haute qualité des formations que des universitaires de renom ont dispensées lors de ce congrès.

C’est sur la dernière proposition faite par la 3e commission dédiée à l’ingénierie notariale au service de la famille que nous aimerions revenir brièvement.

Cette proposition vise à instaurer une « vocation successorale par souche ». En d’autres termes, dans les ordres où la représentation successorale est susceptible de jouer (descendants et collatéraux privilégiés), le successeur désigné par la règle du degré pourrait n’appréhender qu’une partie de ce que sa vocation lui offre.

Ainsi, ce successeur abandonnerait l’autre partie à ses propres descendants.

Cette proposition, comme l’a parfaitement expliqué le professeur Michel Grimaldi lors des débats, s’inscrit dans l’histoire et dans l’avenir du droit des successions et des libéralités en ce qu’elle poursuit le chemin emprunté en 2006 (L. n° 2006-728, 23 juin 2006). Cette réforme a affirmé l’importance de la souche en matière successorale par plusieurs de ses innovations : représentation de l’héritier renonçant ou indigne (C. civ., art. 754 et C. civ., art. 755), licéité des donations-partages transgénérationnelles (C. civ., art. 1078-4 et s.), faculté de cantonner son émolument pour le légataire (C. civ., art. 1002-1) ou l’époux gratifié d’une donation de biens à venir (C. civ., art. 1094-1, al. 2).

Rappelons que cette loi, dont on saluera le progrès, trouve sa source et son inspiration dans l’œuvre remarquable de grands intellectuels du droit, personnalités à l’écoute du notariat et écoutées de lui (J. Carbonnier, P. Catala, J. de Saint-Affrique et G. Morin, Des libéralités. Une offre de loi, 2003, Defrénois).

D’autres réformes plus récentes intéressant le notariat sont, elles aussi, le fruit d’une grande réflexion intellectuelle aux origines universitaires (réforme du droit des obligations ou du droit des sûretés par exemple).

Ce vœu heurte le principe important de l’indivisibilité de l’option successorale. On fondait rapidement et par habitude ce principe sur l’unité nécessaire des effets de l’option et l’indivisibilité du patrimoine transmis (M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, t. IV, Successions, par J. Maury et H. Vialleton, 1928, LGDJ, nos 244 et s. ; H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, 5e éd., t. IV, Successions-Libéralités, par L. Leveneur et S. Mazeaud-Leveneur, 1999, Montchrestien, n° 1073 ; F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Droit civil. Les successions. Les libéralités, 4e éd., 2013, Dalloz, Précis, n° 760) ainsi que sur le principe de la continuation de la personne (C. Pérès et C. Vernières, Droit des successions, 2018, PUF, n° 496).

Le principe de l’unicité du patrimoine est en déclin et on peut affirmer qu’aujourd’hui le principe d’indivisibilité de l’option n’est fondé que par lui-même et qu’il n’a plus véritablement de justifications.

La réserve héréditaire n’est pas menacée, ses titulaires sont simplement élargis si celui qui en bénéficie en premier le veut (l’enfant qui cantonnerait sa vocation sur la moitié de ses droits transmettrait sa réserve pour moitié à ses propres enfants qui pourraient, eux aussi, agir en réduction en cas de libéralités excessives). Le sort du passif successoral suivrait celui de l’actif et la dette incomberait à la souche.

Bien évidemment, la transmission par souche a pour corollaire la suppression de la représentation successorale car elle lui est inhérente.

Il faudra également se préoccuper du rapport des libéralités perçues par la souche et cette question lancinante du rapport en cas de renonciation refait surface. Comme en matière de cantonnement dont ce vœu est le grand frère, les successeurs de rang suivant bénéficiaires de cette option divisée tireront leurs droits du de cujus et non de l’héritier initial : point de libéralité entre eux !

Cette « faculté de cantonnement » au sein de la dévolution légale permettrait à l’héritier le plus proche en degré de prendre ce dont il a besoin et de laisser le reste à ses enfants. Il en résulterait une plus rapide transmission du patrimoine vers les générations les plus jeunes, ce qui doit être une priorité économique.

Cette proposition place l’ingénierie notariale au centre du règlement des successions. Cette option divisible, dont les modalités seraient faciles à déterminer, se fera « à la carte », « sur-mesure », après un audit juridique et fiscal du notaire.

Cette proposition aura également le mérite de placer sur un pied d’égalité les héritiers du de cujus qui, conseillé, avait placé sa succession dans la dévolution volontaire, ouvrant ainsi la faculté de cantonnement à ses légataires, et ceux dont l’auteur ne s’en était pas soucié, abandonnant à la dévolution légale le règlement de sa succession. À la différence du cantonnement des legs, cette acceptation partielle ne pourrait avoir lieu qu’à titre universel ; aussi l’héritier ne pourrait choisir tel ou tel bien mais une portion de la succession.

Ce vœu a été adopté à une quasi-unanimité, il faut s’en féliciter ! On pourrait même aller plus loin en permettant au conjoint survivant de limiter sa vocation légale.

Le congrès des notaires de France, institution séculaire, est l’unique lieu privilégié des échanges constructifs, respectueux, bienveillants et conviviaux entre les notaires, leurs représentants, leurs partenaires et les universitaires. Aussi nous pouvons proclamer : vive le congrès des notaires de France !

Liliane Ricco

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