L’avenir de l’INFN réside aussi dans la formation interprofessionnelle

Ref : Defrénois 9 janv. 2020, n° DEF155w6, p. 27

L’Institut national des formations notariales (INFN) est une structure unique depuis le décret n° 2018-659 du 25 juillet 2018 et s’appuie sur ses 17 sites d’enseignement répartis sur l’ensemble du territoire. Son objet concerne tant la formation initiale des futurs notaires et collaborateurs, que la formation continue.

Dans le cadre de la formation continue, l’heure est à l’interprofessionnalité. Officier public et ministériel, le notaire est une interface entre les intérêts publics et privés. Son statut et son activité l’amènent à travailler de concert avec de nombreuses professions juridiques (magistrat, avocat, huissier de justice, Legaltech…) et non juridiques (diagnostiqueur, promoteur immobilier, géomètre-expert, expert-comptable, médecin, architecte, administration fiscale, agent immobilier…).

La complexité croissante du droit ne permet plus de réduire le notaire à la fonction d’un régulateur, veillant à l’efficacité du Droit et à l’effectivité des droits. Il est également devenu un entremetteur, qui fait le lien entre les aspects fiscaux, médicaux, financiers, comptables, environnementaux d’un dossier juridique.

L’activité juridique se libéralise, s’internationalise et se numérise. Dans ce contexte, le droit est l’œuvre d’une co-construction. Les notaires doivent collaborer étroitement avec de nombreux métiers. Ce faisant, une nouvelle division du travail social et juridique se met en place sous l’impulsion du législateur français et européen. De nouvelles compétences sont exigées des notaires en raison des nouvelles missions confiées par le législateur. La loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme de la justice a à ce titre accéléré le mouvement en confiant aux notaires de nombreuses fonctions gracieuses autrefois attribuées aux juges. La liberté contractuelle devenant le principe premier, notamment avec la réforme du droit des obligations opérée par l’ordonnance du 10 février 2016 et la loi de ratification du 20 avril 2018, le phénomène de contractualisation prend de l’ampleur et la nécessité d’un accompagnement par un notaire, homme du contrat, se renforce. Le partage judiciaire fait intervenir le juge et le notaire. Le divorce par consentement mutuel hors le juge fait collaborer le notaire et l’avocat. Les opérations immobilières complexes justifient l’intervention de professionnels de l’immobilier (promoteurs, architectes, diagnostiqueurs), des notaires, des avocats, des juristes d’entreprise et des experts-comptables. La protection de la vulnérabilité suppose une étroite collaboration entre le juge, le notaire et les médecins. Les difficultés rencontrées par les entreprises ou les particuliers amènent les mandataires judiciaires, les huissiers de justice et les notaires à travailler de concert.

La formation initiale des futurs notaires et des collaborateurs et la formation continue des notaires installés ne peuvent se faire sans intégrer cette idée que l’exercice du droit exige un travail collaboratif. Les dossiers sont coconstruits. Les solutions aux difficultés sont obtenues au moyen d’une étroite collaboration entre différents professionnels, chacun conservant son identité et apportant sa valeur ajoutée.

C’est dans cet esprit que l’INFN a entrepris de développer plusieurs partenariats afin de formaliser cet esprit collaboratif. L’objectif est de mettre en place un ensemble de partenariats permettant d’ouvrir, dans le respect d’un principe de réciprocité, certaines formations offertes aux notaires à d’autres professionnels appartenant souvent au monde du droit et, quoi qu’il en soit, ayant toujours un lien avec le monde du notariat. L’objectif est également de coconstruire avec certaines professions des formations communes, sur des thématiques identifiées et mises en place en commun, afin de répondre aux attentes de chacune des professions.

Une première convention-cadre a été mise en place entre l’INFN et l’École nationale de la magistrature (ENM) le 17 décembre 2019 à l’ENM Paris, située quai aux Fleurs. Cette signature a été faite en présence du directeur de l’ENM, Olivier Leurent, du directeur de la formation et des relations internationales, Elie Renard, du président du conseil d’administration de l’INFN, M. Jean Richard de la Tour, du professeur des universités et directeur général de l’INFN, Mustapha Mekki, du directeur général délégué de l’INFN, Xavier Daudé, de la directrice de cabinet de l’INFN, Monique Deval, et de la directrice pédagogique de l’INFN, Jézabel Jannot. Cette convention a pour objet l’ouverture réciproque des formations de l’ENM et de l’INFN aux magistrats et aux notaires. Des formations communes sous forme de cycles thématiques seront prochainement mises en place entre ces deux structures.

D’autres conventions suivront sur le même format. Un prochain accord doit être conclu avec la chambre nationale des commissaires de justice afin de partager nos cycles de formation continue et de mettre en place des cycles de formations communes. La signature devrait intervenir en janvier 2020. Dans le même esprit, une convention de partenariat du même type est en cours de préparation avec l’École de formation du barreau de Paris (EFB), représentée par son directeur Pierre Berlioz.

L’avenir n’est certainement pas dans une grande profession du droit ni même dans la mise en place d’une grande école du droit. En revanche, le droit ne peut plus fonctionner ni être exercé en vase clos. Le temps de l’exercice en silos a vécu et a laissé sa place à un exercice en réseaux. Chaque profession du droit, notamment les professions réglementées, doit préserver son identité professionnelle tout en partageant, lors des différentes formations, son expertise et son expérience.

Mustapha Mekki, agrégé des facultés de droit

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