Quel notariat pour les futurs diplômés notaire ?

Entretien avec Frank Lodier, président de la chambre des notaires des Hauts-de-Seine

Ref : Defrénois 24 oct. 2019, n° DEF153e5, p. 11

Le 16 octobre dernier s’est tenue la journée d'accueil des étudiants en Master II droit notarial de Nanterre et de Sceaux. Pouvez-vous nous la décrire ?

À l’occasion de la rentrée universitaire 2019-2020, une rencontre a été proposée par la chambre des notaires des Hauts-de-Seine aux étudiants en Master 2 droit notarial de Nanterre et de Sceaux.

La présence et la participation des notaires, sous la forme originale d'un speed-jobbing, a été pour eux une occasion privilégiée de rencontrer les étudiants et d'échanger avec eux sur les activités de la profession et les valeurs du notariat. Elle a également permis de leur offrir l'opportunité de recruter de futurs stagiaires et des collaborateurs pour un premier emploi.

Les étudiants ont pu remettre leurs CV et bénéficier d’un premier contact avec les praticiens et leur instance. Et ces échanges leur ont permis de renforcer leur choix d’orientation professionnelle.

Avec les membres du bureau, nous nous sommes ensuite directement adressés aux étudiants à l'occasion d’un colloque sur la déontologie et les pratiques professionnelles. J'ai plus spécialement souligné l’évolution numérique et les technologies de l’information et de la communication.

Cette journée s'est poursuivie par la cérémonie de remise des diplômes et des prix aux étudiants de la promotion 2018-2019, en présence de Marc Pichard et Manuella Bourassin, directeurs du Master II de l'université de Paris Ouest Nanterre La Défense, et Pierre Callé, directeur du Master II de l'université de Paris Sud - faculté Jean Monnet de Sceaux.

Ainsi, Jessica Markasis et Alessandro Arena, lauréats des promotions de Nanterre et de Sceaux, ont été récompensés par la remise d'une médaille et d’un prix de 1 000 € versé par la chambre des notaires et, pour les étudiants classés 2e et 3e, d'un prix de 500 € chacun.

La soirée, réunissant les parents des étudiants des deux promotions, s'est clôturée par un convivial cocktail.

Vous avez présenté les nouveaux outils que les jeunes diplômés vont pouvoir utiliser. Quels sont-ils ?

Le notariat est depuis longtemps entré dans l’ère de l’informatique et du numérique. L’équipe du congrès des notaires de 2021, présidée par notre confrère Me Olivier Herrnberger, notaire à Issy-les-Moulineaux, et assistée de Mme le professeur Manuella Bourassin, y consacre ses travaux.

Il ne saurait être question de présenter l’inventaire de toutes les applications informatiques et numériques que le notariat et ses prestataires informatiques ont développées, mais certaines méritent d’être particulièrement présentées :

  • la gestion des flux financiers : sujet hautement délicat puisqu’il paraît que, chaque année, il passe plus d’argent dans les études de France que dans le budget de l’État. Chez les notaires, vous pouvez dans l’instant transférer des fonds d’une étude à une autre et les considérer comme immédiatement disponibles. Ainsi, dans la même matinée, nos clients peuvent vendre un appartement à Paris, donner de l'argent à leurs enfants à Brest ou à Strasbourg et acheter un appartement à Nice. Par le biais de son système de transfert de flux financier, le notariat assure la rapidité et la sécurité des mouvements de fonds. Il participe ainsi pleinement au bon fonctionnement de l’activité économique de notre pays en général et des Hauts-de-Seine en particulier ;

  • la télépublication des demandes de renseignements et des actes soumis à publicité foncière : les notaires dématérialisent aujourd’hui quasi intégralement les réquisitions de situation hypothécaire et la publication de leurs actes ouverts à ce mode de transcription. Cette méthode de fonctionnement repose sur la qualité et la précision des informations communiquées et nécessite une aptitude à la gestion de fichiers plus qu’à l’utilisation d’un logiciel de traitement de texte ;

  • la réception des actes sur support électronique : pour renforcer encore la pérennité de l’acte signé, augmenter le temps du rendez-vous consacré à la réponse aux attentes des clients, réduire autant que faire se peut le nombre de documents à signer et de pages à parapher, utiliser les outils actuels de stockage, s’inscrire dans la démarche éco-responsable du zéro papier, les notaires utilisent aujourd’hui prioritairement l’acte sur support électronique. Ce mode de signature est à présent utilisable hors les murs de l’étude, sans jamais porter atteinte à nos impératifs de sécurité. Il se couple à la visio-conférence qui équipe maintenant la quasi intégralité des études de la compagnie. Le très haut degré de sécurité obtenu ouvre la voie au déploiement de la phase deux de ce mode de rendez-vous. Dès la fin de cette année, les clients d'un notaire n'auront plus à se déplacer ou à être représentés au rendez-vous chez le notaire rédacteur de l'acte. Il est préférable de consacrer son temps aux questions juridiques plutôt qu'aux déplacements du sachant.

Bien d’autres technologies mériteraient d’être développées : l’« espace client » qui fait du client un acteur de son dossier, la prise de rendez-vous en ligne et la confirmation du rendez-vous par SMS, le partage de dossier entre études, la lettre recommandée électronique à la norme e-Idas, le fichier central des dernières volontés, les outils de sauvegarde et de sécurisation des échanges, le coffre-fort électronique notarial, la vente immobilière interactive, la gestion des adresses intranet…

À l’heure de l’intelligence artificielle, ces nouveaux arrivants ont-ils encore une place dans les études ?

En conscience, je veux leur répondre par l’affirmative car le métier de notaire ne peut se résumer à savoir quelle est la bonne réponse à une question juridique.

Le métier de notaire consiste à accompagner des personnes en situation de stress positif ou négatif, de canaliser leurs angoisses, de comprendre leurs problématiques économiques qui, par définition, sont subjectives et d’y apporter une réponse humaine et empathique que la machine ne saurait délivrer.

Pouvez-vous les rassurer au sujet de l’intérêt de l’acte authentique à l’heure de la blockchain ?

Il serait réducteur de limiter l’intérêt de l’acte authentique à la signature des parties sur un document et à sa conservation.

L’authenticité est avant tout celle de l’assurance de la volonté à contracter en parfaite connaissance des tenants et des aboutissants de ces engagements.

Le système de la blockchain permet pour sa part de s’assurer que le document reçu est bien conforme au document émis et que le document émis n’a été ni corrompu, ni falsifié.

Cette responsabilité n’est pas neutre à l’heure de l’informatique et des hackers qui tentent de tout pirater et de tout détourner.

Ainsi le système de la blockchain doit, en amont, participer à la sécurisation des données reçues par le notaire pour conseiller ses clients et préparer son acte et en aval assurer que le document qu’il a transmis n’a été ni corrompu ni modifié avant sa réception.

La blockchain est donc un complément naturel de l’acte authentique imposé par les outils actuels de récolte et de transmission des données.

(Propos recueillis par Catherine Burban)

Rédaction Lextenso

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