Libres propos sur les successions testamentaires

Ref : Defrénois 17 oct. 2019, n° DEF153a8, p. 13

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la Justice du XXIe siècle a institué pour les testaments olographes une nouvelle procédure pour envoyer en possession le légataire universel.

Le mouvement de déjudiciarisation a eu dans ce domaine pour conséquence l’abandon du recours à la voie judiciaire pour obtenir l’envoi en possession.

L’ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance suffisait en général pour poursuivre le règlement de la succession du testateur et les recours introduits s’avéraient finalement assez rares.

Les vices de forme les plus évidents n’allaient en général pas jusqu’au juge, puisque le notaire servait déjà de filtre et le document qui ne répondait pas aux très simples règles de forme du testament olographe n’était pas soumis à l’appréciation judiciaire.

Le rôle du juge apparaissait surtout lorsque l’on pouvait s’interroger sur la nécessité d’un envoi en possession.

Les interrogations pouvaient être suscitées par des maladresses de rédaction du testament rédigé sans le conseil d’un notaire, le testateur n’ayant pas clairement désigné un légataire universel.

Cette situation se rencontre toujours lorsque le testateur, voulant léguer tous ses biens, désigne en réalité plusieurs légataires à titre particulier ou, situation plus ambiguë, dans le cas où le testateur formule ses volontés en désignant des légataires à titre universel.

Dans le premier cas le notaire n’essayait même pas de demander un envoi en possession voué à l’échec et expliquait aux légataires particuliers la nécessité de trouver les héritiers du sang pour obtenir de leur part la délivrance des legs, d’autant plus incertaine que les héritiers en question se trouvaient peu motivés par la perspective de ne recevoir aucun émolument, tout en s’exposant à répondre du passif successoral.

Le deuxième cas, plus subtil, pouvait faire dépendre l’envoi en possession d’une formulation plus ou moins claire que le juge pouvait interpréter souverainement dans un sens ou dans un autre.

La réforme transfère évidemment au notaire la responsabilité de la décision et l’on peut craindre que l’officier public soit l’objet de mises en cause plus ou moins farouches de la part de clients s’estimant lésés par son analyse.

À la lecture des nombreux commentaires, on observe qu’une difficulté pour le notaire réside dans la nécessité de déposer le testament au rang de ses minutes avec un procès-verbal  de description, d’envoyer la copie authentique avec la « copie figurée »  du testament au greffe du tribunal de grande instance, tout en étant à même d’analyser ou de vérifier la saisine du légataire.

Cette difficulté est augmentée lorsque le notaire dépositaire du testament n’est pas le notaire de la succession.

En particulier, l’article 1378-1 du Code de procédure civile prescrit que la publicité légale soit faite dans les quinze jours du dépôt prévu à l’article 1007 du Code civil et que le délai d’un mois ouvrant le droit d’opposition à l’envoi en possession court à compter du jour de la date du récépissé de dépôt au greffe.

Les praticiens constatent pour le déplorer que le délai de délivrance des récépissés par les greffes est très variable et mal maîtrisé. Il arrive que la date du récépissé ne corresponde pas du tout à la date d’envoi du pli recommandé adressé par le notaire au greffe.

Dès lors, on peut s’interroger sur la nécessité de maintenir cette procédure destinée à l’origine à conserver dans un lieu distinct un document précieux, à l’heure où les pouvoirs publics cherchent à recentrer l’activité des tribunaux sur le judiciaire et à alléger l’activité des greffes.

Il pourrait être proposé par le notariat la création d’un fichier national informatisé sur le modèle de PACSen.

Le procès-verbal du testament et ce dernier préalablement scanné seraient transmis à ce fichier et le certificat de dépôt serait immédiatement délivré dans les mêmes conditions que les certificats de pacs.

Le point de départ d’opposition serait ainsi fixé avec certitude.

Il est d’ailleurs à observer que la formalité du dépôt au greffe est aujourd’hui impossible lorsque le notaire est dépositaire d’un testament olographe d’un défunt domicilié hors de France.

Cette hypothèse n’est pas rare et n’a été prise en compte ni en 1966, date de la première réforme, ni en 2016.

La question ne se poserait plus en cas d’existence d’un fichier automatisé notarial qui serait naturellement national.

Ces observations devraient amener le législateur à s’interroger sur la clarification des conditions de mise en œuvre du testament international et sur les conditions actuelles de la réception des testaments authentiques.

Même s’il n’est pas question de remettre en cause le testament olographe, on peut craindre que les conditions de sa mise en œuvre soient plus délicates.

On a vu qu’elles pourront créer des situations conflictuelles entre le notaire et celui qui se prétendra légataire universel sans qu’il y ait d’opposition formelle d’un héritier.

Dans ce cas, la possibilité pour le légataire universel d’obtenir un envoi en possession judiciaire n’existe pas.

Dès lors, on peut s’interroger sur l’intérêt pour le notariat de recourir plus souvent au testament authentique dans une forme assouplie.

Une des explications à la réticence de l’utilisation de cet acte réside dans la nécessité de la présence de deux témoins ou d’un deuxième notaire qui ne doit d’ailleurs pas être associé avec le notaire instrumentaire ni salarié dans le même office.

On remarquera que les nouveaux modes d’exercice issus de la loi Croissance et qui permettent à une seule société d’être titulaire de plusieurs offices sont loin de simplifier cette règle.

On observe que le législateur confie de nouveaux actes au notaire qui peut les recevoir seul et sans témoin.

L’heure est donc peut-être venue de permettre à un notaire de recevoir seul le testament authentique, le concours d’un second notaire devenant une simple faculté destinée à protéger le notaire instrumentaire qui pourrait le juger utile.

Voici quelques réflexions que l’auteur de ces lignes livre à plus savant que lui pour susciter la discussion et réfléchir à des évolutions.

Christian Bénasse, président honoraire de la chambre interdépartementale de Paris

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