Cession-transmission des entreprises : entretien avec Alain Tourdjman, directeur Études et Prospective du Groupe BPCE

Ref : Defrénois 11 juill. 2019, n° DEF150h5, p. 11

Greg-Gonzalez-BPCE

En votre qualité de directeur Études et Prospective du groupe BPCE, pouvez-vous nous présenter les missions de « BPCE L’Observatoire » ?

BPCE L’Observatoire est une entité du groupe BPCE dont la vocation est de produire des études sur des thématiques d’intérêt général en lien avec son activité bancaire. Il s’agit en particulier d’explorer et d’analyser les comportements financiers des ménages, des TPE et PME ou des collectivités locales pour mieux comprendre les choix en matière d’épargne et de placements financiers des Français, les tendances du logement et les enjeux de l’habitat, l’état et les perspectives du tissu productif national ou la dynamique de l’investissement public local.

Ces travaux ont pour ambition de croiser une démarche économique à dominante quantitative et une approche comportementale à dominante plus qualitative avec une dimension territoriale pour appréhender les spécificités locales ou régionales des phénomènes étudiés.

Quels principaux constats tirez-vous du bilan 2016 que vous avez établi, notamment sur le vieillissement des dirigeants de PME ?

L’étude menée sur la cession-transmission des entreprises, dont la première publication remonte à 2011, illustre bien cette volonté d’aborder les enjeux concrets de l’économie réelle (https://groupebpce.com/etudes-economiques/les-carnets-de-bpce-l-observatoire-2019).

Le bilan fait sur la période 2013-2016 (les données disponibles sur 2017-2018, certes incomplètes, confirment plutôt ce diagnostic) est préoccupant : les cessions-transmissions de TPE et PME ont baissé d’environ 30 % et seules les transmissions familiales ont échappé à ce recul. Cette évolution infirme l’idée reçue selon laquelle le vieillissement des dirigeants – qui se poursuit – serait le principal déterminant des transactions d’entreprises – qui refluent. D’ailleurs, moins de 30 % des transferts sont liés à des transactions en fin d’activité professionnelle et celles-ci ont davantage baissé que celles opérées par des dirigeants quadragénaires ou quinquagénaires. Ainsi, les cessions liées au vieillissement, par définition plus structurelles, n’ont pas mieux résisté que les opérations d’opportunité des plus jeunes.

Ce déficit d’opérations en fin de vie professionnelle est confirmé par l’écart entre les intentions de cession et les ventes effectivement réalisées qui, peu significatif chez les dirigeants de moins de 55 ans, se creuse nettement au-delà de 60 ans avec des transactions qui représentent alors à peine la moitié des intentions de vente les plus affirmées. Ce déficit tient d’abord à un cumul de facteurs inhibants qui conduisent le dirigeant à différer la cession. La crainte de perte de confidentialité, le manque de temps, les difficultés à identifier les bons conseils et à évaluer le prix de leurs prestations s’ajoutent à des réticences plus personnelles : quête parfois sans fin d’un repreneur idéal, rupture du lien avec l’entreprise et le statut social qu’elle conférait, refus de se confronter aux conséquences patrimoniales ou familiales d’une vente.

De plus, avec l’avancée en âge, les dirigeants adoptent souvent précocement une stratégie de consolidation des fonds propres, de désendettement et de sous-investissement. Faute d’une mise en vente rapide et d’une forte demande des repreneurs potentiels, le prolongement de cette stratégie est fréquent et induit une perte de compétitivité, d’opportunités de développement et, in fine une dévalorisation de l’entreprise. La cession est alors compromise par le désintérêt pur et simple des acquéreurs ou par le trop faible niveau pour le cédant de leurs offres de prix. Ce risque est avéré statistiquement puisque, selon les secteurs, la probabilité de céder baisse nettement après 63, 65 ou 67 ans.

Dès lors, si l’insuffisance des reprises ne se traduit pas – encore ? – par une recrudescence des disparitions de PME, leurs dirigeants restent à la barre plus nombreux à des âges élevés avec un risque élevé de ralentissement du métabolisme des entreprises concernées.

(Propos recueillis par Liliane Ricco)

Rédaction Lextenso

Suivez en temps réel l'actualité defrénois

Recevez en temps réel, sur votre smartphone, votre tablette ou votre ordinateur, une notification de nos dernières actualités publiées sur le site