Entretien avec M e Pierre-Luc Vogel, nouveau président du CNUE

« Une Europe qui protège est une Europe qui a besoin de ses notaires »

Ref : Defrénois 10 janv. 2019, n° DEF143x5, p. 27

Romuald Meigneux

Quels défis attendent, selon vous, le notariat européen en 2019 ?

Il est essentiel que nous prenions toute notre place dans la construction de l’Europe du droit.

Les élections européennes constituent un temps fort pour y contribuer.

Cette contribution prendra la forme de propositions faites par les 22 notariats dans nos domaines d’activité du droit immobilier, de la famille et de l’entreprise.

En préambule, nous réaliserons le bilan des réussites européennes dans l’élaboration des textes, tel le règlement Successions, tout en proposant, par exemple, des mesures de simplification.

Le notariat aidera ainsi l’Europe à communiquer sur ses avancées et démontrera l’engagement des notaires au service de l’Europe.

Nous sommes animés par une volonté constructive alors que nous devons sans cesse faire face, et maintenant depuis de nombreuses années, à des attaques des instances communautaires sur notre statut, sur nos modalités d’installation, sur notre tarif, menées par les ministères de l’Économie avec l’appui des autorités de la concurrence. C’est une forme d’incohérence de la part de l’institution européenne de vouloir à la fois s’appuyer sur la fonction notariale et remettre en cause ses fondements.

Malgré cela les États nous confient également de nouvelles missions.

Le défi majeur est bien d’obtenir le changement d’attitude des instances communautaires à l’égard des professions réglementées et singulièrement à l’égard du notariat afin que cessent ces attaques injustifiées.

C’est pourquoi les instances européennes ne doivent pas continuer à promouvoir une doctrine ultralibérale et dogmatique qui serait la pâle copie de celle venue d’outre-Atlantique. Elles ne doivent pas être complices de l’impérialisme juridique anglo-saxon et de son comportement colonialiste.

Elles doivent soutenir le droit continental et l’organisation européenne des professions juridiques.

Elles doivent défendre notre spécificité, notre culture et le modèle notarial.

Le modèle notarial c’est l’outil d’un État moderne, c’est l’État toujours présent mais jamais pesant.

Le modèle notarial c’est celui de la délégation quand l’État économe de ses moyens s’appuie sur un bras armé et le contrôle sans pour autant que l’impôt y pourvoie.

Le cœur du métier de notaire est de rendre service à l’État et aux citoyens, d'être cet intermédiaire indispensable entre la loi et ceux à qui elle s’applique.

Et si l’on veut une Europe qui protège – pour reprendre une thématique de nos élus – celle-ci doit mettre en œuvre une régulation maîtrisée en s’appuyant sur le notariat, une profession qui sécurise avec l’acte authentique et l’application d’un droit codifié.

Pouvez-vous nous présenter les priorités de votre présidence ?

La première priorité concerne l’unité du notariat européen : il nous faut la renforcer. Pour cela le CNUE doit jouer pleinement son rôle de fédérateur, afin de dégager des positions communes. Il est essentiel d’avancer unis en mettant en œuvre un lobbying assumé et une communication renforcée, notamment sur le terrain politique que nous devons inlassablement investir. Je continuerai donc le travail de mes prédécesseurs en multipliant les contacts et les rendez-vous.

Cette unité, nous pouvons aussi la renforcer en mettant encore plus de convivialité dans nos relations, en essayant d’améliorer notre organisation interne, l’efficacité de nos réunions.

Le deuxième objectif : aller plus loin et plus vite dans le domaine technologique.

Nous avançons, certes, mais en ordre plutôt dispersé, alors nous essaierons d’unir nos efforts, nos moyens, dans une coopération technologique basée sur la mutualisation. Cette coopération se traduira par un plus grand partage des technologies, des cahiers des charges, des expériences menées par chacun. Il nous faut également développer des systèmes comme la visioconférence et l’acte authentique électronique qui soient davantage compatibles et interconnectables, tout en respectant rigoureusement les prérogatives nationales de chacun des notariats.

Nous avons d’ailleurs programmé une action de communication marquante dans ce domaine avec l’organisation d’une exposition à Bruxelles, qui mettra l’histoire du notariat en perspective avec sa modernité et les technologies déployées par la profession.

Cette exposition mêlera des actes authentiques anciens, historiques, remarquables, avec des démonstrations relatives à l’acte authentique électronique, aux signatures à distance et aux technologies actuelles d’archivage longue durée.

Également, le CNUE ne perdra pas de vue son rôle de développeur du périmètre de nos activités. À cet effet, il nous faut démontrer aux États notre capacité à les assister dans leurs missions. Je pense notamment à notre rôle dans le domaine de l’immobilier, et la conférence de presse sur les statistiques immobilières et l’évolution des prix dans les capitales en sera l'un des éléments forts.

Nous devons aussi faire en sorte de faciliter la vie de nos concitoyens et des notaires, en commençant d’ailleurs avec les projets les plus simples, par exemple celui des procurations et la sécurisation de la transmission des actes authentiques.

Enfin, l’actualité européenne 2019 sera dense avec les élections mais aussi avec, en janvier, l’entrée  en vigueur des règlements Régimes matrimoniaux (règlement RM) et Partenariats enregistrés (règlement PE) pour laquelle nous devons être prêts.

Des formations seront proposées afin que les notariats soient en mesure d’appliquer ces textes nouveaux.

Quel message souhaitez-vous transmettre aux notaires français et européens ?

Le CNUE, en 2019, s’efforcera de remplir ses 3 fonctions :

  • celle de promoteur du droit continental et de la fonction notariale ;

  • celle de fédérateur de nos 22 notariats ;

  • et celle de développeur de nos activités et de notre périmètre de compétence.

Je souhaite un notariat européen qui se développe autour de valeurs et d’objectifs communs, un notariat uni, un notariat conquérant, constructif et communiquant.

Un notariat prenant pleinement sa part dans la construction de l’Europe. Une Europe qui ne peut se bâtir sans respecter son système de droit spécifique et son modèle notarial sur lequel elle doit s’appuyer car une Europe qui protège est une Europe qui a besoin de ses notaires.

(Propos recueillis par Honorine Moreno)

 

Rédaction Lextenso

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