Concours de la Fondation Solon : remise des prix 2017

Ref : Defrénois 21 juin 2018, n° DEF137r0, p. 19

Le 4 juin dernier, au Palais de l’Institut, les 7 000 € de prix annuel du concours Solon étaient décernés à Thomas Chapon et Sylvain Vidal (1er prix conjointement) et Anaïs Sibieude (2e prix), les trois lauréats d’une épreuve qui s’était tenue en décembre.

L’épreuve du concours consiste à rédiger sous forme de norme codifiée une proposition tirée des travaux du dernier congrès des notaires dont le rôle est de proposer des modifications du droit lorsqu’y apparaît une carence ou une inadaptation. Le sujet ainsi que la copie primée, commune aux deux étudiants qui se partagent le premier prix, font l’objet de la présente publication.

C’est l’occasion de mettre l’accent sur deux points d’actualité.

N’est-il pas opportun, dans un mouvement de soutien à la réserve héréditaire qui se manifeste en marge de la succession Hallyday, d’aménager le règlement de l’indemnité de réduction afférant au logement des époux ? C’était la conviction de Mes Benoît Delesalle, Johanne Lotz et Nathalie Gessey qui proposèrent un report du payement de cette indemnité au décès du deuxième époux. Mais à la séance du vote lors du 113e congrès qui se tint à Lille en 2017 sous la direction de Me Thierry Thomas, président, et de Me Bernard Delorme, rapporteur général, la proposition a été rejetée (Defrénois 28 sept. 2017, n° 129c3, p. 9). Le concours Solon est l’occasion de se repencher sur cette idée.

Pour satisfaire l’épreuve de rédaction, les meilleures copies distinguées par le jury, composé de cinq académiciens, deux professeurs d’université et deux notaires en exercice, ont été celles – sous anonymat levé devant huissier – de trois étudiants de la faculté de Montpellier. C’est une première mais ce n’est pas un hasard ; leur enseignante commune, le professeur Séverine Cabrillac, a en effet orienté le master 2 de droit notarial sur l’art rédactionnel qu’elle trouvait trop absent des enseignements jusqu’à sa propre participation au jury en 2013. Cette prise de conscience et cette démarche doivent être saluées dans la perspective d’une amélioration de la rédaction du droit écrit, mission poursuivie par la Fondation Solon, organisatrice du concours, hébergée par l’Académie des sciences morales et politiques et qu’on peut visiter à l'adresse www.concours-solon.fr.

Sujet de l’épreuve 2017

Rappels : rédiger sous forme de texte législatif la proposition ci-dessous issue des travaux du 113e congrès des notaires de France.

Il ne s'agit pas d'écrire une dissertation ou un commentaire mais de rédiger un texte de type normatif tel qu'il serait s'il était inclus dans le Code civil. Les dispositions transitoires ne sont pas à prendre en considération. Il n’y a pas lieu de prévoir un exposé des motifs. L'épreuve a pour objet une sélection non par les connaissances mais plutôt par la capacité à écrire le droit d'une façon logique et juridiquement univoque (tout en respectant les règles de la langue française).

Sujet : Pour une faculté encadrée de report du paiement de l’indemnité de réduction au profit du conjoint.

Considérant :

  • Que la protection du cadre de vie du conjoint survivant constitue souvent une volonté des disposants ;

  • Que cet objectif doit être concilié avec la préservation des droits des enfants ;

  • Que la gratification du conjoint survivant en propriété permet d'éviter que s’instaurent sur le logement de la famille tant un démembrement de propriété qu’une indivision, pouvant se révéler l’un comme l’autre économiquement insatisfaisants et source de différends ;

  • Que le principe est celui de la réduction en valeur des libéralités excessives et du paiement de l’indemnité au jour du partage ;

  • Qu’il convient en conséquence de permettre au disposant d’accorder à son conjoint une faculté de report de paiement de l’indemnité de réduction au décès de celui-ci.

Le 113e congrès des notaires de France propose :

D'ajouter à l'actuel article 924-3 du Code civil un dispositif ayant l’objet suivant :

La faculté pour le disposant de permettre au conjoint successible dans la libéralité qu'il lui consent de reporter, au jour du décès de celui-ci, le paiement de l'indemnité de réduction dont il pourrait être débiteur mais seulement en ce qu'elle concerne le logement de la famille.

Il y aurait lieu d’établir un acte de liquidation de l’indemnité de réduction, laquelle produirait intérêt au taux légal à compter de cette date.

Seraient également applicables les dispositions de l'article 828 du Code civil et les créanciers de l'indemnité de réduction bénéficieraient du privilège de l'article 2374, 3°, du Code civil.

Copie primée

Article 924-3

L'indemnité de réduction est payable au moment du partage, sauf accord entre les cohéritiers. Toutefois, lorsque la libéralité a pour objet un des biens pouvant faire l'objet d'une attribution préférentielle, des délais peuvent être accordés par le tribunal, compte tenu des intérêts en présence, s'ils ne l'ont pas été par le disposant. L'octroi de ces délais ne peut, en aucun cas, avoir pour effet de différer le paiement de l'indemnité au-delà de dix années à compter de l'ouverture de la succession.

Cependant, l'indemnité de réduction due par le conjoint survivant, seulement en ce qu'elle concerne le logement familial, pourra être payée au décès de ce dernier, sous réserve de la faculté de report accordée par le disposant.

Les dispositions de l'article 828 sont alors applicables au paiement des sommes dues.

À défaut de convention ou de stipulation contraire, ces sommes sont productives d'intérêt au taux légal à compter de la date à laquelle le montant de l'indemnité de réduction a été fixé. Les avantages résultant des délais et modalités de paiement accordés ne constituent pas une libéralité.

En cas de vente de la totalité du bien donné ou légué, les sommes restant dues deviennent immédiatement exigibles ; en cas de ventes partielles, le produit de ces ventes est versé aux cohéritiers et imputé sur les sommes encore dues.

Article 924-3-1

Lorsque l'indemnité de réduction due, conformément à l'alinéa 2 de l'article 924-3, résulte d'une libéralité ne portant pas exclusivement sur le logement familial, son montant devra faire l'objet d'une ventilation déterminant les quote-parts réciproques.

La quote-part non affectée au logement familial pourra néanmoins bénéficier des dispositions de l'article 924-3 alinéa 1.

Rédaction Lextenso, Etienne Dubuisson, notaire à Brantôme-en-Périgord

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