La ministre des solidarités et de la santé a été interrogée sur le portage public-privé pour la construction d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Elle répond que les montages juridiques associant acteurs publics et privés en vue de la construction ou la reconstruction d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) rattachés à des personnes publiques (collectivités territoriales ou établissements publics de santé) donnent lieu le plus souvent à l’acquisition d’un terrain foncier pour construire un EHPAD par un promoteur privé ; le terrain et le bâtiment font ensuite l’objet d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) à un investisseur privé lequel loue le bâtiment à un gestionnaire public par un contrat de bail. Ce montage juridique, conçu sans procéder à des formalités de publicité et de mise en concurrence, s’expose au risque de requalification en contrat soumis aux règles de la commande publique. L’article 2 de la directive (UE) n° 2014/24 du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, transposée en droit national à l’article L. 1111-2 du Code de la commande publique, définit un marché public de travaux comme « la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux exigences fixées par le pouvoir adjudicateur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception ». Cette définition englobe tous les contrats, quelle qu’en soit la forme (y compris donc un contrat de VEFA), par lesquels un pouvoir adjudicateur commande la construction d’un ouvrage sans exercer lui-même la maîtrise d’ouvrage des travaux et sans nécessairement en devenir le propriétaire à leur achèvement. Dans la mesure où la construction d’un EHPAD répond aux besoins précisés par la personne publique, il est très probable que le juge, communautaire comme national, estime que l’objet réel de l’opération, considérée dans son ensemble, est la réalisation même de l’ouvrage et non sa seule location et que saisi d’un recours, il requalifie l’opération en marché public de travaux. La seule circonstance que l’opération ait été scindée en deux contrats distincts – l’un passé entre deux entreprises privées et portant sur la construction de l’ouvrage, l’autre passé entre une entreprise privée et une personne publique et portant sur la location de cet ouvrage –, ne paraît pas suffisante pour faire échec à cette requalification, le juge s’attachant à vérifier, si la personne publique gestionnaire, sans jouer le rôle de maître d’ouvrage, a eu ou non une influence déterminante sur cette réalisation (par exemple définition de la surface en fonction de la capacité d’accueil attendue ou de certaines caractéristiques techniques et technologiques de l’ouvrage). En ce sens, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a eu l’occasion de trancher deux litiges, portant sur des réalisations immobilières, dans lesquels un contrat passé entre une personne publique et une entreprise privée comportait un volet « construction » et un volet « location » (CJUE, 29 oct. 2009, n° C-536/07 et CJUE, 10 juill. 2014, n° C-213-13). Dans ces deux affaires, la CJUE relève que les deux volets précités forment un tout indissociable et que l’objet principal des contrats est la réalisation de ces ouvrages et non leur location. Elle rappelle également que pour caractériser un marché public de travaux, le critère essentiel est que l’ouvrage soit réalisé conformément aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. Or les ouvrages concernés avaient été réalisés conformément aux spécifications très détaillées explicitées par le pouvoir adjudicateur, par conséquent les contrats en cause constituaient des marchés publics de travaux. Il appartient donc aux personnes publiques gestionnaires d’EHPAD ou d’autres catégories d’établissements sociaux et médico-sociaux d’être vigilantes quant au respect des règles de la commande publique s’appliquant aux marchés publics de travaux lorsqu’elles sont amenées à réaliser des opérations de construction d’établissements ou de rénovation des bâtiments.
Rép. min. n° 08627 : JO Sénat, 31 janv. 2020, p. 589, Vermeillet S.