Les plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'un immeuble détenu par une société à prépondérance immobilière sont imposées dans les mêmes conditions, que le cessionnaire acquière les titres de la société ou l'immeuble lui-même (CGI, art. 150 A bis, al. 1er).
Le Conseil d’État, par un arrêt du 12 mars 2014, considère que la cession des titres d’une société, suivie de la vente, dès le lendemain de cette cession, de l’unique immeuble social, est constitutive d’un abus de droit, comme n’ayant pas eu d’autre motif que d’échapper à l’imposition des plus-values.
En l’espèce, la société anonyme X, fondée en 1977, avait cédé son fonds de commerce en 1996 et cessé toute activité en 1999. Les associés de cette société, dont M. A, voulant prendre leur retraite, signèrent en 1999 avec la société Y, spécialisée dans le désinvestissement, une promesse de vente de leurs actions, sous la condition suspensive que les cédants trouvent un acquéreur pour le bien immobilier détenu par la société X, lequel constituait l'unique actif immobilisé de la société.
Les cédants ayant trouvé un acquéreur pour ce bien, la cession des titres intervint le 24 février 2000, pour un montant notablement inférieur à la valeur nette des actifs sans, pour autant, que les passifs ne présentent un quelconque risque.
Le lendemain, la société X céda l'immeuble. Elle ne reprit aucune activité économique mais fut absorbée par la société Z le 15 novembre 2000, cette dernière étant elle-même absorbée, le 15 décembre 2000, par une autre société, ayant fait l'objet d'une liquidation amiable le 30 décembre 2001.
La plus-value résultant de la cession par M. A des titres de la société X fut placée par lui, en application des dispositions alors en vigueur de l'article 150 A bis du Code général des impôts (CGI), sous le régime des plus-values de cessions à titre onéreux de titres de sociétés à prépondérance immobilière.
En application des dispositions de l'article 150 M du même code, dans leur rédaction alors applicable, la plus-value ainsi réalisée bénéficia d'une réduction de 5 % pour chaque année de détention des titres au-delà de la deuxième, de telle sorte que le montant imposable fut réduit à zéro.
L’Administration, faisant application des dispositions de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, estima que :
- l'acte de cession des titres avait eu pour seul objet, par une application littérale des dispositions des articles 150 A bis et 150 M, de faire échapper la plus-value réalisée lors de la cession de l'immeuble à toute imposition ;
- alors qu'en l'absence d'un tel montage, le produit de la vente de l'immeuble aurait été, lors de la liquidation de cette société, appréhendé par M. A et son associée en tant que boni de liquidation et soumis, sous déduction du montant de leurs apports, au barème progressif de l'impôt sur le revenu en application des dispositions alors en vigueur de l'article 161 du CGI.
Saisie du contentieux opposant M. A à l’Administration, la cour administrative d'appel retint que l'Administration établissait que la cession des titres de la société X à la société Y avait eu pour seul objet, par la recherche du bénéfice d'une application littérale des textes relatifs aux plus-values de cession des sociétés à prépondérance immobilière, d'éluder les charges fiscales que le requérant, s'il n'avait pas passé cet acte, aurait normalement supportées en cas de dissolution de la société.
M. A demanda l’annulation de l’arrêt. Sa demande est rejetée par le Conseil d’État qui considère que, contrairement à ce qu’il soutenait, la cour, qui a relevé que l'unique immeuble détenu par la société X avait fait l'objet d'une promesse de vente peu de temps avant la cession des titres de cette société et avait été vendu dès le lendemain de cette cession, n'a pas omis de rechercher si l'acte en cause était inspiré par la volonté de bénéficier d'une application littérale des textes relatifs aux plus-values de cession des sociétés à prépondérance immobilière à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs.
Il ajoute qu'alors même que les cessions de titres représentent une modalité habituelle de transmission des sociétés, la cour a pu, sans commettre d'erreur sur la qualification juridique des faits, estimer qu'en l'espèce, la cession des titres de la société X, opérée dans le cadre du montage décrit et qui n'avait pas pour objet la cession d'un immeuble, avait un but exclusivement fiscal et qu'elle était, dès lors, constitutive d'un abus de droit.