Même ambiguë, une renonciation au droit de rétrocession n’empêche pas l’exercice de ce droit

Conformément aux dispositions de l’article L. 12-6 du Code de l’expropriation, les immeubles expropriés doivent, dans un délai de cinq ans, recevoir la destination prévue par la déclaration d’utilité publique. A défaut, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit peuvent en demander la rétrocession pendant trente ans à compter de l’ordonnance d’expropriation.

En l’espèce, les consorts X., propriétaires de terrains d'une surface de dix hectares, un are, sont expropriés en 1971 au profit de la société O., société anonyme d'habitation à loyer modéré, pour la construction de logements sociaux. Le 31 janvier 1972, aux termes d’un acte sous seing privé, les parties s’accordent sur les modalités de versement de l'indemnité d'expropriation ainsi que sur le principe d'une rétrocession aux expropriés d'une superficie de 2 200 mètres carrés. Cette rétrocession est réalisée par acte authentique, les 11 et 17 décembre 1980, contenant une clause selon laquelle ces derniers renonçaient à demander la rétrocession de toute autre parcelle.

Par acte authentique du 4 mai 1995, la société O. vend une parcelle d'une superficie de 4 948 mètres carrés à la société C. afin d'y édifier un casino. Les consorts X., soutenant que cette parcelle n'avait pas reçu la destination prévue par la déclaration d'utilité publique, assignent la société O. en paiement de dommages-intérêts compensatoires et en paiement d'une indemnité pour privation de jouissance. La société O. appelle en garantie Me Y., notaire associé ayant reçu l’acte de vente, ainsi que la société civile professionnelle notariale. Condamnée par la cour d’appel, en application des dispositions des articles L. 12-6 et R. 12-6 du Code de l'expropriation, la société O. se pourvoit en cassation.

Tout d’abord, les Hauts Magistrats valident la décision des juges du fond qui, ayant relevé que la société O. avait vendu à la société C., pour la construction d'un casino, une parcelle non utilisée qui lui avait été attribuée à la suite d'une expropriation afin d'y édifier un ensemble de logements sociaux, ont exactement retenu que cette destination n'étant pas conforme à celle prévue par la déclaration d'utilité publique, les consorts X. bénéficiaient par conséquent sur cette parcelle d'un droit à rétrocession.

Ensuite, ils confirment l’analyse de la cour d’appel qui, appréciant souverainement le sens et la portée de la clause particulière de renonciation insérée dans l'acte de vente des 11 et 17 décembre 1980, rendue ambiguë par le visa d'un texte erroné et non de la disposition spécifique et d'ordre public du Code de l'expropriation relative au droit de rétrocession, ainsi que par son rapprochement avec les autres clauses de l'acte se référant au « protocole d'accord » du 31 janvier 1972, a pu retenir que les consorts X. n'avaient pas valablement renoncé pour l'avenir à exercer leur droit de priorité lors de la rétrocession de toute autre parcelle.

Enfin, la récupération de la parcelle litigieuse étant devenue impossible du fait de la construction du casino, l’expropriant devait leur verser des indemnités correspondant au préjudice lié au maintien de l’ouvrage.

Suivez en temps réel l'actualité defrénois

Recevez en temps réel, sur votre smartphone, votre tablette ou votre ordinateur, une notification de nos dernières actualités publiées sur le site