Le processus d’ouverture progressive des professions d’huissiers de justice et de commissaires-priseurs judiciaires, qui sont appelées à fusionner dans la nouvelle profession de commissaire de justice en 2022, doit se poursuivre.
En application de la loi Macron (L. n° 2015-990, 6 août 2015 : JO, 7 août 2015), l’Autorité de la concurrence formule de nouvelles recommandations pour favoriser, de manière graduelle, l’installation de nouveaux professionnels.
Sur 99 zones d’installation sur le territoire, l’Autorité en identifie 32 d’installation libre pour les huissiers de justice et 3 pour les commissaires-priseurs judiciaires. Elle y recommande l’installation libérale de respectivement 100 nouveaux huissiers de justice et 3 nouveaux commissaires-priseurs judiciaires d’ici 2022.
Une deuxième étape dans l’application des dispositions de la loi Macron
Le cadre législatif et réglementaire. La loi Macron a introduit un principe de liberté d’installation régulée, afin d’abaisser les barrières à l’entrée de ces professions et d’adapter le maillage territorial aux besoins de l’économie.
Dans le cadre de ce dispositif, la mission de l’Autorité de la concurrence consiste à proposer au gouvernement, tous les 2 ans, des cartes qui identifient des zones où l’installation est libre (« zones vertes ») et des zones où cette installation est contrôlée (« zones orange »).
Les premières cartes proposées par l’Autorité dans le cadre des avis n° 16-A-25 et 16-A-26 du 20 décembre 2016 ont été homologuées par deux arrêtés conjoints des ministres de la Justice et de l’Économie du 28 décembre 2017, qui ont respectivement défini 35 et 36 zones vertes (sur un total de 99 zones), dans lesquelles 202 nouveaux huissiers de justice et 41 nouveaux commissaires-priseurs judiciaires libéraux étaient appelés à s’installer d’ici fin 2019.
État des lieux de l’offre et bilan des créations d’offices
Avant de formuler de nouvelles recommandations pour la période 2020-2022, l’Autorité a procédé à un état des lieux de l’offre et de l’implantation des professionnels concernés. Elle s’est attachée à dresser un diagnostic quantitatif et qualitatif de l’offre sur la période 2014-2018, en s’appuyant sur les dernières données économiques et financières consolidées disponibles.
Sur cette base, l’Autorité fait les constats suivants :
- s’agissant du nombre d’offices, en 2018, on observe la première création nette d’offices depuis plus de 10 ans avec 55 offices d’huissiers et 28 offices de commissaires-priseurs créés en application de la loi Macron. Ces créations récentes ont permis d’endiguer la baisse du nombre d’huissiers de justice libéraux, mais pas encore de rattraper les effectifs de 2014 ; en ce qui concerne les commissaires-priseurs, en revanche, les effectifs de professionnels libéraux ont crû au-delà du niveau de 2014 ;
- une répartition du chiffre d’affaires relativement homogène chez les huissiers de justice, et globalement stable sur la période, en comparaison de celle du chiffre d’affaires des commissaires-priseurs, qui est très hétérogène selon les zones et globalement en baisse de 5 % en moyenne par an depuis 2016 ;
- un taux de marge relativement élevé pour les huissiers, malgré un léger fléchissement par rapport à la période 2012-2014, qui équivaut à la baisse du taux de marge des commissaires-priseurs sur la même période ;
- un maillage territorial renforcé, grâce à la création d’offices d’huissiers dans des zones qui en comptaient moins de 10, notamment dans la Meuse et l’Indre, et à la création d’offices de commissaires-priseurs dans des zones qui en étaient dépourvues, notamment dans l’Ain et la Corse du Sud ;
- un plus grand choix pour les clients et de meilleurs débouchés pour les huissiers et commissaires-priseurs diplômés. D’un point de vue qualitatif, ces arrivées de nouveaux professionnels libéraux ont eu un effet bénéfique sur l’offre, avec un plus grand choix pour les clients et une proximité accrue, mais également la création de débouchés professionnels pour les diplômés qui exerçaient jusqu’à présent en tant qu’officiers ministériels salariés ou étaient en recherche d’emploi, et qui peuvent désormais accéder plus aisément à l’exercice libéral de leur profession.
Les recommandations quantitatives de l’Autorité pour la période 2020-2022
Pour ses travaux de révision de la carte, l’Autorité a décidé de reconduire la méthodologie suivie pour l’élaboration des premières cartes des deux professions, celle-ci ayant été validée en tous points par le Conseil d’État à l’occasion du contentieux introduit contre la carte des huissiers de justice (CE, n° 417958, 21 août 2019).
En appliquant cette méthode à des données actualisées, concernant le chiffre d’affaires et les effectifs des deux professions notamment, et en raisonnant à partir de la situation où, à la date d’échéance de la première carte, toutes les nominations prévues par les arrêtés du 28 décembre 2017 seraient effectives (ce qui constitue une approche protectrice pour les professionnels puisque, dans les faits, tel ne sera pas le cas), l’Autorité estime que le potentiel à l’horizon 2026 est compris entre 450 et 500 nouveaux huissiers de justice et entre 25 et 30 nouveaux commissaires-priseurs judiciaires libéraux.
Pour atteindre cet objectif, et compte tenu des différents éléments pertinents recueillis lors de l’instruction, elle propose la création d’offices supplémentaires permettant l’installation libérale de 100 nouveaux huissiers répartis sur 32 zones d’installation et 3 nouveaux commissaires-priseurs judiciaires répartis sur 3 zones d’installation (sur un total de 99 zones) sur la période de validité de la prochaine carte (2020-2022), proportionnellement aux besoins identifiés localement. Il conviendra d’y ajouter le reliquat des recommandations non satisfaites sur la période précédente (2018-2020).
L’Autorité propose, par conséquent, deux cartes révisées accessibles en ligne à l’adresse suivante : https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/communiques-de-presse/liberte-dinstallation-des-huissiers-de-justice-et-des-commissaires-priseurs
Les recommandations qualitatives de l’Autorité
L’Autorité formule au gouvernement six séries de recommandations visant à :
- prévoir un régime transitoire entre deux cartes afin de s’assurer que les nominations éventuellement restantes soient effectuées, même si la carte précédente est arrivée à échéance. Un report de l’objectif de nomination fixé pour la période 2018-2020 dans la deuxième carte pourrait ainsi être effectué ;
- améliorer la procédure de nomination en zone orange en veillant, par exemple, à la publication sur le site Internet du ministère de la Justice des décisions du garde des Sceaux relatives aux demandes de créations d’offices dans ces zones ;
- améliorer la procédure de nomination en zone verte, en limitant notamment les candidatures à un nombre réduit de zones (3 par exemple) dans les 24 heures suivant l’ouverture du dépôt des candidatures. Il est également proposé de permettre aux candidats d’exprimer un ordre de préférence entre leurs différentes demandes, mais aussi d’organiser un tirage au sort électronique et simultané dans toutes les zones, d’améliorer la transmission d’informations personnalisées aux candidats sur l’état d’avancement de l’instruction des candidatures et l’évolution de leur rang. Enfin, le délai maximal entre nomination et prestation de serment pourrait être allongé et un délai entre prestation de serment et obligation d’instrumenter pourrait être officiellement institué (par exemple 6 mois). S’agissant des huissiers, l’Autorité recommande également de clarifier, par des directives nationales, les rôles respectifs des intervenants en charge de l’organisation de la prestation de serment des professionnels nommés au niveau local ;
- abaisser les barrières à l’entrée pour les candidats à l’installation. Les règles relatives à la sollicitation personnalisée pourraient être clarifiées pour éviter toute divergence d’interprétation, mais aussi assouplies, pour que les nouveaux professionnels nommés soient effectivement en mesure de se faire connaître et d’élargir leur clientèle. S’agissant des commissaires-priseurs et des futurs commissaires de justice, il pourrait également être mis un terme au « monopole à la résidence » ;
- améliorer le dispositif d’élaboration des cartes en optimisant les procédures de collecte des données économiques nécessaires à l’élaboration des recommandations de créations d’offices mais aussi en améliorant la qualité des données transmises par les instances et en rendant obligatoire la mise en place d’un outil de suivi de l’activité des bureaux annexes pour permettre une analyse plus précise de l’activité des offices. Il est également préconisé d’associer l’Autorité à l’élaboration du rapport prévu au VII de l’article 52 de la loi Macron sur l’opportunité d’étendre l’application de la liberté d’installation aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
- améliorer l’accès des femmes et des jeunes aux offices par l’extension aux professions bientôt fusionnées dans celle de commissaire de justice, du dispositif prévu par l’ordonnance n° 2015-949 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des hommes et des femmes au sein des ordres professionnels et faciliter l’articulation entre la vie privée et la vie professionnelle des commissaires-priseurs judiciaires (système de « professionnel remplaçant » lors des congés maternité ou paternité).
Autorité de la concurrence, communiqué de presse 2 déc. 2019