Le notaire qui certifie qu’un indivisaire dispose du mandat requis pour signer un bail, alors qu’il ne possède aucun mandat spécial, commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité

Suivant acte sous seing privé, M. Jean X. donne en location à la commune de C. divers terrains en indivision. Me Y., notaire associé, avait préalablement indiqué à ladite commune que M. Jean X., par procuration déposée au rang des minutes de l'office, avait reçu des quatre coïndivisaires « pouvoir pour gérer et administrer tous les biens dépendant de la succession de Marcel X. » et que la conclusion d'un bail constituait un acte d'administration. Reprochant au notaire de lui avoir certifié de manière inexacte que M. Jean X. disposait du mandat requis pour la conclusion d'un bail, la commune de C. engage une action en responsabilité contre la S.C.P. de notaires.

La cour d’appel déboute la commune de sa demande. Si elle reconnaît que le notaire a commis une faute en certifiant des éléments sans vérification suffisante de leur validité, elle estime que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité ne sont pas réunies : d'une part, les parties au bail litigieux sont, dans l'immédiat, demeurées valablement engagées, de sorte qu'il n'est justifié d'aucun dommage actuel au titre d'une privation de jouissance ; d'autre part, il n'est pas démontré que la résiliation par la commune de C. des autres baux contractés pour la réalisation de l'opération (la commune souhaitait disposer d’une emprise foncière de 86 hectares) a pour cause l'irrégularité entachant la location du bien indivis consentie par M. Jean X.

La Cour de cassation désapprouve cette analyse. Elle reproche aux juges du fond d’avoir méconnu l'article 883 du Code civil duquel il résulte que le bail consenti sur un bien indivis par un seul des indivisaires, en méconnaissance de l'article 815-3 du même Code qui exige le consentement de tous, s'il n'est pas nul, son efficacité étant subordonnée au résultat du partage, est, dès l'origine, inopposable aux autres indivisaires. En statuant ainsi, sans rechercher si la faute du notaire n'avait pas, d'ores et déjà, causé un dommage actuel à la commune, en raison de l'incidence de l'inopposabilité de l'acte litigieux aux coïndivisaires sur l'exercice, par le preneur, de son droit de jouissance, les juges du fond ont privé leur décision de base légale.

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