Le garde des Sceaux ne juge pas nécessaire de consacrer législativement la créance d’assistance

Le mécanisme de la créance d'assistance s'est imposé depuis vingt ans dans la jurisprudence.

Si l'obligation alimentaire suppose un état de besoin des parents, la créance d'assistance est au contraire une entraide au quotidien. Le fait générateur de la créance n'est pas lié à la situation financière des parents, mais davantage à leur situation de dépendance et à un besoin de services et d'assistance matérielle et morale. Ce devoir peut donner lieu, sous conditions, à indemnisation de l'aidant.

Dans son rapport pour l'année 2014, le Conseil supérieur du notariat préconise de légiférer en la matière afin de favoriser les initiatives privées et d'encourager le développement des aides familiales. Il recommande plus spécifiquement de légaliser la créance d'assistance en reconnaissant le droit, pour un enfant apportant la preuve qu'il a supporté la charge de ses père et mère au-delà des exigences résultant de son devoir de famille, de faire valoir une créance contre leur succession à proportion des dépenses nécessaires faites et du temps passé.

C’est pourquoi le député Marc Le Fur a demandé au Gouvernement quelle suite il entendait donner à cette proposition.

En réponse, le ministre de la Justice a indiqué que les situations d'entraide familiale bénéficient d'une reconnaissance juridique, divers mécanismes utilisés par les juridictions permettant d'ores et déjà d'assurer la prise en compte de ces situations sans qu'il ait été nécessaire d'organiser une consécration légale d'une créance d'assistance, au bénéfice du parent ayant apporté un soutien allant très au-delà de son devoir de famille.

La jurisprudence a ainsi admis, au profit de l'enfant ayant assumé seul une dette d'aliments envers un ascendant dans le besoin, en application de l'article 205 du Code civil, l'exercice d'un recours contre ses coobligés, du vivant ou au décès de l'ascendant, pour les sommes payées excédant sa part contributive compte tenu des facultés respectives des intéressés.

Depuis une vingtaine d'années, la jurisprudence prévoit même que l'enfant qui s'est dévoué au service de ses parents au-delà des exigences de la piété filiale peut réclamer une indemnisation à la succession, au titre de l'enrichissement sans cause.

Une telle créance relève ainsi de l'appréciation souveraine des juges du fond et nécessite la triple preuve d'un réel appauvrissement de l'enfant, d'un enrichissement du parent et d'une aide apportée par le premier au second excédant l'exécution d'un devoir moral d'assistance.

Selon le ministre, ces solutions jurisprudentielles assurent au dispositif une certaine souplesse, cette créance d'assistance étant appréciée selon chaque cas d'espèce, en tenant compte de la diversité des situations familiales.

Les mécanismes de droit commun permettraient ainsi d'apporter une solution satisfaisante aux situations d'entraide familiale.

La consécration dans la loi des solutions jurisprudentielles ne lui paraît donc pas nécessaire.

En effet, ouvrir, dans la loi, un droit de créance pour ces situations pourrait être préjudiciable à un règlement pacifié des successions, la reconnaissance d'une telle créance risquant d'entraîner, dans nombre de situations, un nouveau contentieux en matière successorale.

Au demeurant, afin d'éviter les incertitudes liées à la reconnaissance et à l'évaluation jurisprudentielles d'une créance d'assistance postérieurement au décès du parent, celui-ci peut toujours prendre des dispositions tenant compte de l'aide que lui apporte un enfant.

Il peut notamment affirmer l'existence d'une telle créance dans un testament, voire prévoir dans ce testament une indemnisation forfaitaire en octroyant à l'enfant, à titre de dédommagement, une somme déjà arrêtée ou un bien.

Il apparaît en conséquence au ministre que le droit positif assure d'ores et déjà un juste équilibre entre l'aide familiale bénévole, devant rester sans contrepartie, et l'assistance susceptible de donner lieu à compensation.

 

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