L’Administration fiscale est en droit d’invoquer le délai de reprise de dix ans si elle doit consulter une déclaration de succession pour vérifier qu’un engagement de conservation, suite à une donation, n’a pas été respecté

De la combinaison des articles L. 180 et L. 186 du Livre des procédures fiscales, il résulte que le droit de reprise décennal n'est ramené à un délai expirant à la fin de la troisième année suivant celle de l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration ou de l'accomplissement de la formalité fusionnée, que si l'exigibilité des droits a été suffisamment révélée à l'Administration par le document enregistré ou présenté à la formalité, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures.

En 1989, M. et Mme X. donnent à bail à long terme de dix-huit années à Mme Y., leur fille, un domaine agricole dont ils étaient propriétaires. Le 14 septembre 1990, M. X. décède. La déclaration de succession est déposée le 21 juin 1991 ; les héritiers bénéficient du régime fiscal de l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, prévu par l'article 793-2-3 du Code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, contre leur engagement de conserver le bien pendant cinq ans à compter du décès de M. X.

Mme X. qui, le 28 mars 1991, avait donné à sa fille la nue-propriété qu’elle détenait sur l’autre moitié du domaine, lui donne sa part d’usufruit, le 24 juin 1994, Mme Y. disposant ainsi de la pleine propriété du bien.

Le 2 août 1997, Mme X. décède. Le 1er décembre 1998, l'administration des impôts notifie à Mme Y. un redressement constatant la déchéance du régime de faveur. Le 26 mai 1999, celle-ci reçoit notification d'un avis de mise en recouvrement des droits complémentaires estimés dus. Madame Y. s’y oppose. L’Administration des impôts ayant rejeté sa réclamation, elle saisit le tribunal de grande instance arguant que ladite administration aurait dû effectuer le redressement avant le 31 décembre 1997 puisqu’elle était suffisamment informée de l'exigibilité des droits sans qu'il lui soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures.

Pour accueillir cette fin de non-recevoir, les juges retiennent :

- que dans l’acte de donation d’usufruit du domaine agricole, du 24 juin 1994, il était indiqué que l'usufruit ainsi transmis par Mme X. à sa fille portait sur des droits qu'elle avait recueillis dans la succession de son époux prédécédé le 14 septembre 1990 ;

- qu’il y était également rappelé que le 28 mars 1991, Mme X. avait déjà donné la moitié en nue-propriété du domaine à sa fille et que ce domaine étant loué à celle-ci et à son époux, en vertu d'un bail à long terme ayant pris effet le 11 mai 1989, un abattement sur les droits d'enregistrement avait été appliqué lors de cette mutation à titre gratuit.

La donation de 1994 contenait donc assez d’éléments pour remettre en cause l’exonération de droits de succession. Il suffisait simplement que l’Administration consulte la déclaration de succession de 1991. Mais, pour la Cour de cassation, ce simple geste constitue une recherche ultérieure ; elle censure donc la décision de la cour d’appel : ... « en statuant ainsi, alors que l'indication, dans l'acte de donation de 1994, de l'origine de propriété du bien, de l'existence du bail à long terme de 1989 et de l'exonération partielle consécutive à la donation intervenue en 1991, ne permettait pas à l'administration des impôts, sans recherches ultérieures, d'être informée de l'engagement de conservation du bien par Mme X. dont la donation de 1994 constituait l'inexécution rendant exigibles les droits de mutation initialement exonérés, la cour d'appel a violé les [articles L. 180 et L. 186 du Livre des procédures fiscales] susvisés » ;

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