Difficultés d’application de la loi ALUR aux documents d’urbanisme en cours de révision

Le ministre du Logement, de l'Égalité des territoires et de la Ruralité a été interrogé sur les difficultés d'application de la loi ALUR (L. n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : JO 26 mars 2014, p. 5809 ; Defrénois flash 7 avr. 2014, p. 1, n° 122n8) aux documents d'urbanisme en cours de révision.  

En effet, plusieurs mesures de cette loi, telles que l'article 157, doivent être intégrées aux plans locaux d'urbanisme (PLU) dont la révision a été décidée et engagée parfois bien avant son adoption. Ainsi, les PLU en cours de révision ou d'élaboration doivent, pour s'y conformer, redéfinir leurs secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées. 

L'intégration de ces nouvelles mesures dans les PLU dont la révision est déjà largement avancée va entraîner une augmentation importante du coût de la révision ou de l'élaboration de ces documents à la charge des collectivités, ainsi qu’un allongement des délais d'adoption. 

Selon le ministre, la nouvelle écriture de l'article L. 123-1-5 du Code de l'urbanisme par l'article 157 de la loi ALUR a pour objet d'encadrer la possibilité prévue par l'article L. 123-1-5 de délimiter en zones agricoles ou naturelles des PLU des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées (« pastilles » ou « STECAL ») dans lesquels des constructions peuvent être autorisées. Elle est la traduction des objectifs du Gouvernement tendant à encourager la densification, la lutte contre l'étalement urbain et la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, les zones naturelles et agricoles devant rester, par principe, des zones inconstructibles. 

Il ajoute que, cela étant, il existe des mécanismes d'exception qui permettent notamment de gérer le bâti existant présent dans ces zones. Ainsi, la création de secteurs constructibles de taille et de capacité d'accueil limités en zone agricole, naturelle ou forestière reste envisageable sous réserve de respecter certaines conditions. 

Cette nouvelle disposition a suscité de nombreuses interrogations. 

En premier lieu, l'entrée en vigueur immédiate de cette mesure interroge sur le sort des dispositions existantes dans les documents d'urbanismes locaux. Le IV de l'article 157 de la loi ALUR prévoit en effet que « l'article L. 123-1-5 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, n'est pas applicable aux demandes de permis et aux déclarations préalables déposées avant la publication de la présente loi. Les secteurs délimités par le PLU en application du 14° de l'article L. 123-1-5, dans sa rédaction en vigueur antérieurement à la publication de la même loi, demeurent soumis à ces dispositions jusqu'à la première révision de ce plan engagée après la publication de ladite loi. » 

Trois situations peuvent être distinguées, selon que les zones de constructibilité limitée sont définies par des documents d’urbanisme approuvés après la loi ALUR, entre la loi Grenelle II et l’entrée en vigueur de la loi ALUR, le 27 mars 2014, ou avant la loi Grenelle II (L. n° 2010-788, 12 juill. 2010 : JO 13 juill. 2010, p. 12905).

 

Zones de constructibilité limitée définies par des documents d'urbanisme approuvés après la loi ALUR. Les nouvelles conditions définies par la loi ALUR sont applicables dès la publication de la loi.

 

Zones de constructibilité limitée définies par des documents d'urbanisme approuvés entre la loi Grenelle II et l'entrée en vigueur de la loi ALUR. Dans ce cas, l'article 157 de la loi prévoit explicitement que les STECAL, délimités en application de l'article L. 123-1-5, dans sa version antérieure à la loi ALUR, laquelle résulte de la loi Grenelle II, restent valables, et ce jusqu'à la première révision engagée après la loi. Les secteurs ainsi définis ne sauraient être remis en cause notamment au motif qu'ils ne seraient pas exceptionnels, nouvelle condition issue par la loi ALUR.

Le ministre précise que cette disposition a été voulue par le législateur pour sécuriser juridiquement l'intégralité des PLU comportant des STECAL et approuvés avant la loi ALUR.

 

Zones de constructibilité limitée identifiées dans les documents d'urbanisme locaux approuvés avant la loi Grenelle II et toujours en vigueur. Il ne ressort pas de l'intention du législateur que les STECAL ou pastilles approuvés antérieurement à la loi ALUR et à la loi Grenelle II soient remis en cause par cette nouvelle rédaction du Code de l'urbanisme. Les secteurs définis et approuvés avant la loi Grenelle II, laquelle n'a fait que donner valeur législative aux STECAL, sont donc également concernés par cette disposition protectrice. En définitive, l'objet du IV de l'article 157 est de préserver l'intégralité des STECAL existants « ante ALUR » et non les seuls STECAL adoptés entre la loi Grenelle II et la loi ALUR.

En outre, l'application immédiate des dispositions issues de l'article 157 de loi ALUR interroge sur les effets d'une telle entrée en vigueur sur les PLU en cours d'élaboration. Face à l'urgence et la nécessité de maîtriser la consommation d'espace, le législateur n'a pas souhaité introduire de mesures transitoires pour les PLU en cours d'élaboration. Les projets arrêtés de PLU ayant conservé des STECAL selon les dispositions en vigueur antérieurement à la loi ALUR doivent donc faire l'objet d'un nouvel arrêt s'ils n'ont pas été approuvés avant le 27 mars 2014 et ne sont pas conformes aux dispositions de la loi ALUR relatives aux STECAL. 

Enfin, la rédaction de l'article L. 123-1-5, telle qu’elle résulte de la loi ALUR, semble présenter des difficultés d'application s'agissant, notamment, des travaux susceptibles d'être autorisés dans les secteurs à caractère naturel, agricole ou forestier dès lors qu'ils sont en lien avec des bâtiments à usage d'habitation déjà établis. La loi ALUR a, certes, prévu, qu'en dehors des STECAL, dorénavant exceptionnels, seules l'adaptation et la réfection des bâtiments existants pouvaient être autorisées, à l'exclusion des changements de destination et des extensions.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi ALUR et pour tenir compte des difficultés rencontrées sur les territoires, les services du ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité ont engagé, conjointement avec les services du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt une réflexion afin d'améliorer la prise en compte de ces bâtiments existants par le Code de l'urbanisme. L'article 25, VI de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (L. n° 2014-1170, 13 oct. 2014 : JO 14 oct. 2014, p. 16601 ; Defrénois flash 20 oct. 2014, p. 1, n° 125n1) autorise désormais l'extension des bâtiments d'habitation situés en zone agricoles ou naturelles (N ou A), dès lors que celle-ci ne compromet pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site. Le règlement du PLU devra alors préciser les conditions qui permettent la compatibilité de ces extensions avec le caractère de la zone dans laquelle elles se situent.

En outre, et à titre de complément, la loi d'avenir pour l'agriculture prévoit également que, dans ces mêmes zones, le règlement du PLU peut désigner les bâtiments qui peuvent faire l'objet d'un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site. Le changement de destination est alors soumis, en zone agricole, à l'avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (C. rur. et pêche mar., art. L. 112-1-1), et, en zone naturelle, à l'avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Ces mesures, qui sont applicables dès la publication de la loi, sont codifiées à l'article L. 123-1-5 du Code de l'urbanisme.

 

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