Par jugement du 23 juillet 1976, le tribunal d’instance du 7e arrondissement de Paris fait droit aux arguments de la société et condamne Melle Y. à lui régler les sommes de 5.970 F (910,12 €) pour loyer échu et impayé de mars 1976 et frais de réparation, et de 500 F (76,22 €) à titre de dommages et intérêts.
Le jugement signifié par exploit d’huissier, le 4 janvier 1977, devient définitif faute de recours, mais, du fait des nombreux changements de domicile de Mlle Y., la société X., requérante, ne peut procéder au recouvrement des sommes dues en exécution du jugement.
Après avoir notifié à Mlle Y., sans succès, un commandement de payer dans le Loiret où se trouvait le château de son frère, la société X., en 1987, soit 11 années après le jugement du tribunal d’instance, essaye à nouveau de retrouver son ancienne locataire, ayant appris incidemment qu’elle résidait en Australie.
Afin d’engager une « procédure en condamnation » devant les juridictions et selon les règles de la loi australienne, la société X. demande, par plusieurs courriers adressés à l’ambassade de France en Australie, au consul général de France à Melbourne et au ministre des Affaires étrangères, la communication de l’adresse de Mlle Y. ; ces demandes successives sont toutes rejetées en raison, notamment, du refus de Mlle Y. d’autoriser la divulgation de son adresse.
Confrontée à cette fin de non-recevoir, la société requérante engage alors un contentieux, soutenant que le refus qui lui a été opposé par l’autorité consulaire, constitue un préjudice à son égard et une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ; en refusant de communiquer l’adresse de Mlle Y., locataire de la société X., l’Etat n’a-t-il pas manqué à son obligation d’apporter son concours à l’exécution d’une décision judiciaire définitive rendue par les tribunaux français ?
Malheureusement pour la requérante, les jugements qui se sont succédés, ont tous écarté sa demande, « considérant qu’il n’appartient pas à l’Etat de communiquer l’adresse d’un ressortissant français résidant à l’étranger contre la volonté de celui-ci, dès lors que le renseignement sollicité n’a pas pour but la sauvegarde d’un droit légalement reconnu ou judiciairement constaté. Qu’en l’espèce, la société requérante entendait engager sur le territoire australien , à l’encontre de Mlle Y., une procédure judiciaire nouvelle distincte, de celle qui a abouti au jugement du tribunal d’instance du 23 juillet 1976 ; qu’elle ne peut donc se prévaloir d’aucun droit judiciairement constaté ; qu’ainsi, c’est à bon droit que le ministre des Affaires étrangères a refusé de lui communiquer les renseignements sollicités ».
La société X. demande la cassation de l’arrêt. Le résumé de la décision du Conseil d’Etat rendue le 13 juin 2003, est reproduit ci-après :
« Demande de renseignements adressée à un consul général de France en vue d’assurer l’exécution, à l’étranger, d’un jugement de tribunal de grande instance passé en force de chose jugée, auquel la locataire du demandeur s’est volontairement soustrait pendant plusieurs années. Même si l’exequatur ainsi sollicité supposait l’engagement d’une nouvelle procédure devant une juridiction étrangère, la communication de renseignements sollicitée par la société requérante avait pour but exclusif la sauvegarde d’un droit constaté par les juridictions françaises. Ainsi, en se fondant, pour rejeter la demande de l’intéressé, sur ce qu’il ne pouvait se prévaloir d’un droit judiciairement constaté pour en déduire que le consul général de France avait pu légalement lui refuser la communication des renseignements demandés, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit » ; par suite, la société X. est fondée à demander, pour ce motif, l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque, en tant qu’après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris contesté en appel devant la cour et évoqué, il rejette les conclusions de la société X. tendant à la condamnation de l’Etat.
Si le Conseil d’Etat, dans cette décision, juge que le créditeur pouvait se prévaloir d’un droit « judiciairement constaté », il ne tranche pas, en revanche, la question de principe relative à l’existence pour les services consulaires, d’une obligation de communication de l’adresse d’un ressortissant français dans le cas où ce dernier cherche à échapper aux conséquences d’une décision de justice.