Dénonciation obligatoire de la fraude fiscale au procureur de la République

Par une QPC transmise au Conseil constitutionnel par le Conseil d’État, une association reproche à plusieurs titres à l’article L. 228 du Livre des procédures fiscales qui institue une obligation de déclaration des faits, par l’administration fiscale, au procureur de la République, d’instaurer des différences de traitement inconstitutionnelles. En premier lieu, elle considère injustifiée la distinction établie entre les contribuables pour lesquels l’administration est tenue de dénoncer au procureur de la République des faits susceptibles de caractériser le délit de fraude fiscale et les autres contribuables. En deuxième lieu, en prévoyant que cette dénonciation, qui ne requiert pas l’avis conforme de la commission des infractions fiscales, dépend de l’application par l’administration de certaines pénalités fiscales, ces dispositions subordonneraient le bénéfice de la garantie que constitue cet avis à l’appréciation discrétionnaire de l’administration. En troisième lieu, en retenant également, comme critère de dénonciation obligatoire, le montant des droits éludés, elles établiraient une différence de traitement injustifiée entre les sociétés bénéficiaires et déficitaires. En dernier lieu, une autre différence de traitement inconstitutionnelle serait établie entre les sociétés contribuables ayant fait l’objet d’une majoration de 40 % en situation de réitération, selon qu’elles appartiennent ou non à un groupe fiscalement intégré. Il en résulterait une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant la procédure pénale. Par ailleurs, l’association requérante dénonce une méconnaissance du principe de personnalité des peines.

Le Conseil constitutionnel répond qu’en retenant les critères de dénonciation obligatoire précités, le législateur n’a pas instauré de discrimination injustifiée entre les contribuables.

Le législateur a entendu soumettre systématiquement au procureur de la République, aux fins de poursuites pénales, les faits de fraude fiscale les plus graves dont a connaissance l’administration. À cette fin, il a retenu comme critères de dénonciation obligatoire le fait que les droits éludés sont élevés et sont assortis de l’une des pénalités prévues dans les cas suivants : l’opposition à contrôle fiscal, la découverte d’une activité occulte faisant suite à une omission déclarative, l’abus de droit ou les manœuvres frauduleuses constatés au titre d’une insuffisance de déclaration, la rectification à raison du défaut de déclaration d’avoirs financiers détenus à l’étranger, la taxation forfaitaire à partir des éléments du train de vie en lien avec des trafics illicites ou, en cas de réitération, le défaut de déclaration dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure, le manquement délibéré ou l’abus de droit, dans l’hypothèse où le contribuable n’a pas eu l’initiative principale de cet abus ou n’en a pas été le principal bénéficiaire. Ces critères, objectifs et rationnels, sont en lien avec le but poursuivi par le législateur. En deuxième lieu, l’administration est soumise, pour l’application des pénalités fiscales correspondant aux agissements précités, au respect des principes de légalité et d’égalité.

En dernier lieu, d’une part, les sociétés contribuables dont le résultat apparaît bénéficiaire ne sont pas dans la même situation que celles déficitaires dont les manquements ne causent pas de préjudice financier au Trésor public. De ce fait, ces manquements n’entrent pas dans les catégories retenues par le législateur pour définir les cas de fraude fiscale les plus graves appelant une transmission automatique au parquet.

D’autre part, le caractère réitéré des manquements des contribuables faisant l’objet d’une majoration de 40 % pour certaines omissions ou insuffisances déclaratives ne pouvant être établi qu’à l’égard d’un même contribuable, les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré, au sein duquel chaque société demeure contribuable, ne sont pas traitées différemment des autres sociétés.

Par ailleurs, dès lors que les dispositions contestées instituent un mécanisme de dénonciation de plein droit au procureur de la République, l’absence d’avis conforme de la commission des infractions fiscales, qui a pour objet de filtrer parmi les dossiers transmis par l’administration ceux justifiant effectivement des poursuites pénales, ne prive les contribuables d’aucune garantie.

Il en résulte que les dispositions contestées sont conformes à la Constitution.

 

Cons. const., 27 sept. 2019, n° 2019-804 QPC

 

Suivez en temps réel l'actualité defrénois

Recevez en temps réel, sur votre smartphone, votre tablette ou votre ordinateur, une notification de nos dernières actualités publiées sur le site