L’article L. 142-4 du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi du 11 décembre 1992, prévoit que pendant la période transitoire et qui ne peut excéder cinq ans, nécessaire à la rétrocession des biens acquis, les SAFER prennent toutes mesures conservatoires pour le maintien desdits biens en état d’utilisation et de production. En particulier, elles sont autorisées à consentir à cet effet les baux nécessaires, lesquels, à l’exception des baux en cours lors de l’acquisition, ne sont pas soumis aux règles résultant du statut des baux ruraux en ce qui concerne la durée, le renouvellement et le droit de préemption.
Les requérants soutiennent que, faute de sanction lorsqu’il n’est pas respecté, le délai de rétrocession auquel ces dispositions conditionnent l’exercice du droit de préemption serait privé d’effectivité. Il en résulterait une méconnaissance du droit de propriété, de la liberté contractuelle et de la liberté d’entreprendre.
Selon le Conseil constitutionnel, d’une part, en vertu de l’article L. 143-2 du même code, l’exercice du droit de préemption de la SAFER a pour objet l’installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs, la sauvegarde du caractère familial des exploitations agricoles, la lutte contre la spéculation foncière ainsi que certains objectifs de remembrement rural ou de mise en valeur et de protection des paysages. Sous peine de nullité, l’article L. 143-3 du même code fait obligation à la SAFER de justifier sa décision de préemption « par référence explicite et motivée » à l’un de ces objectifs. En subordonnant l’exercice de ce droit à la rétrocession, dans un délai de cinq ans, du bien préempté, le législateur a entendu garantir que ce droit ne soit utilisé que conformément à l’une des finalités d’intérêt général précitées.
D’autre part, si le dépassement du délai prévu par les dispositions contestées n’entraîne pas la cession automatique du bien préempté à l’acquéreur évincé ou l’annulation de la préemption, la SAFER demeure tenue à une obligation de rétrocession conforme aux finalités d’usage du droit de préemption. L’éventualité d’un détournement de la loi ou d’un abus lors de son application n’entache pas celle-ci d’inconstitutionnalité. En outre, la personne à laquelle la rétrocession tardive ou l’absence de rétrocession du bien préempté cause préjudice peut exercer une action en responsabilité dans les conditions du droit commun afin d’en obtenir réparation. Enfin, il appartient à la juridiction compétente de veiller à ce que la durée de détention du bien préempté ne conduise pas à la méconnaissance de l’objet pour lequel la loi a institué le droit de préemption.
En second lieu, la durée de la détention d’un bien préempté en pleine propriété, au-delà du délai légal de rétrocession, par la SAFER n’a pas à elle seule d’incidence sur sa valeur ni sur celle des biens détenus par d’autres personnes.
En conséquence, les dispositions contestées ne portent pas au droit de propriété, à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.