Contrôle des comptes de gestion des mesures de protection juridique

Alors que le nombre de majeurs protégés est en constante augmentation, le rapport de la Cour des comptes d'octobre 2016 illustre certains dysfonctionnements dans le contrôle effectif des mesures. Ainsi, dans le cas du décès du majeur protégé, l'article 514 du Code civil prévoit l'obligation pour le tuteur de remettre aux héritiers (ou au notaire désigné par eux), dans les trois mois du décès, les pièces nécessaires pour assurer la liquidation de la succession, ainsi que l'inventaire initial et les actualisations auxquelles il a donné lieu. Or si le juge des tutelles est habilité au contrôle pendant la durée de la mesure, il est automatiquement dessaisi dans le cas du décès du majeur protégé. C'est alors le notaire chargé de la succession qui prend le relais, bien que le Code civil ne lui donne aucun pouvoir d'injonction clairement défini pour obtenir la reddition des comptes.

Si les héritiers en contestent le contenu ou si le compte n'est pas rendu, ils peuvent intenter, sur les fondements de l'article 515 du Code civil, une action en reddition des comptes auprès du tribunal de grande instance. Cependant, une action en justice peut facilement décourager les héritiers pourtant dans leur bon droit.

La ministre de la Justice est interrogée sur la possibilité de prévoir la prolongation du contrôle des tuteurs par le juge des tutelles sans rupture dès le décès de la personne protégée, afin d’éviter les risques de failles dans la bonne reddition des comptes.

Cette dernière rappelle que la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 30) a profondément modifié les modalités du contrôle des comptes de gestion des mesures de curatelle renforcée et de tutelle pour lui rendre toute son effectivité. Ainsi, le contrôle des comptes de gestion des mesures de protection est à la charge du subrogé tuteur ou curateur, du tuteur ou curateur adjoint, lorsqu'ils ont déjà été désignés dans une mesure.

Lorsque des cotuteurs ou co-curateurs ont déjà été désignés pour exercer la mesure de protection, ils établissent les comptes ensemble et les adressent au juge en indiquant éventuellement l'existence d'une difficulté. Un décret d'application doit être publié avant le 31 décembre 2023 afin d'organiser le contrôle des comptes par un professionnel qualifié (C. civ., art. 512).

Ces nouvelles dispositions permettront un contrôle effectif des comptes et l'adresse d'une alerte au juge plus rapidement, le cas échéant. Le contrôle ainsi opéré, et les éventuels dessaisissements des personnes chargées d'exercer la mesure de protection, lorsque cela sera nécessaire, devraient réduire les difficultés liées au contrôle des comptes de gestion des mesures de protection juridique des majeurs et ce, dans l'intérêt des majeurs.

En tout état de cause, en l'absence de production des comptes de gestion ou de contestation sur leur établissement, les héritiers de la personne ayant fait l'objet d'une mesure de protection peuvent introduire une action en reddition des comptes ou en revendication dans un délai de 5 ans à compter de la fin de la mesure, alors même que la gestion aurait continué au-delà.

En vertu des dispositions des articles 421 et suivants du Code civil, les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction. Cette action en responsabilité se prescrit par 5 ans à compter de la fin de la mesure de protection.

Au regard de l'ensemble des actions possibles, il n'est donc pas nécessaire, selon la ministre, de créer un recours devant le juge des tutelles qui est en effet dessaisi au moment du décès du majeur protégé.

(Rép. min. n° 22997 : JOAN, 31 déc. 2019, p. 11576, Dupont S.)

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