Application en France de la loi allemande relative à l’adoption : effets sur la succession

Une enfant qui, après le divorce de ses parents, réside avec sa mère remariée en Allemagne et son conjoint, est adoptée « en qualité d’enfant commun », par contrat d’adoption qui fait l’objet d’une homologation judiciaire par le tribunal d’Offenburg. De la seconde union, du premier époux, naît une fille. Son père décède à Paris et l’acte de notoriété établi après le décès, qui mentionne ce dernier enfant pour unique héritière, étant contesté, cette dernière assigne la première fille devant le TGI afin qu’il soit constaté que celle-ci n’a pas la qualité d’héritière du défunt.

La première fille du défunt ne peut reprocher à l’arrêt de la cour d’appel de Versailles de dire qu’elle n’a pas la qualité d’héritière réservataire, qu’elle doit être tenue pour légataire à titre particulier de certains biens et que l’autre fille recevra l’intégralité de la succession, à charge pour elle de délivrer les legs particuliers, dès lors que la cour d’appel était saisie de la question de la reconnaissance, à l’occasion d’un litige successoral, d’un jugement d’adoption prononcé à l’étranger, de sorte qu’elle avait seulement à vérifier si se trouvaient remplies les conditions requises pour que ce jugement soit reconnu en France, ainsi que, le cas échéant, les effets qu’il produisait, sans pouvoir examiner le fond.

La cour d’appel qui relève que la dernière fille produit le contrat d’adoption et deux décisions du tribunal d’Offenburg portant validation et homologation judiciaire de ce contrat, constate qu’il résulte des démarches entreprises par celle-ci auprès des services compétents que le jugement ayant remplacé l’autorisation du père par le sang a été détruit, raison pour laquelle il n’est pas produit, ajoute que ce jugement est visé dans le contrat homologué et que seule la régularité internationale de la décision d’homologation doit être examinée en déduit exactement que la première fille a été adoptée par sa mère et son second conjoint, conformément au contrat d’adoption judiciairement homologué.

La cour d’appel qui, ayant retenu, d’abord, que le recours à une décision judiciaire afin de suppléer le consentement du père n’est pas, en soi, contraire à l’ordre public international français et qu’elle n’a pas à apprécier les motifs de cette décision étrangère, ensuite, qu’aucune violation des principes fondamentaux de la procédure ayant compromis les intérêts d’une partie n’est démontrée, en déduit que l’ordonnance portant homologation du contrat d’adoption doit produire effet en France, justifie légalement sa décision au regard des règles gouvernant l’ordre public international.

La cour d’appel retient que, si l’adoption avait, en Allemagne, jusqu’à la loi du 2 juillet 1976, des effets juridiques limités, sans incidence sur les droits successoraux de l’enfant, cette loi a instauré une adoption plénière qui, pour les mineurs, rompt les liens entre ceux-ci et les parents par le sang. Elle ajoute qu’aux termes de ses dispositions transitoires, cette loi nouvelle s’applique de plein droit, à compter du 1er janvier 1978, aux enfants mineurs adoptés sous l’empire de l’ancienne loi, de sorte que, sauf opposition, l’adoption, qui avait les effets d’une adoption simple, se transforme de plein droit en adoption entraînant la rupture des liens juridiques avec la famille d’origine. Elle constate qu’aucune déclaration s’opposant à cette « conversion » de l’adoption de la première fille n’a été enregistrée, de sorte que sa situation est régie par la loi nouvelle. Elle en déduit exactement que, l’ordonnance d’homologation de l’adoption produisant en France des effets identiques à ceux produits en Allemagne, la défenderesse n’a pas la qualité d’héritière réservataire.

Après avoir rappelé les dispositions de la loi allemande aux termes desquelles la loi nouvelle s’applique de plein droit aux enfants mineurs adoptés sous l’empire de l’ancienne loi, la cour d’appel retient qu’en présence d’une décision de justice ayant suppléé le consentement du père, la « conversion » opérée par cette loi, d’une adoption produisant les effets d’une adoption simple en une adoption produisant les effets d’une adoption plénière, n’est pas contraire à l’ordre public international français.

 

Cass. 1re civ., 6 nov. 2019, n° 18-17111

 

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