Emoluments des notaires : les mêmes causes produisent les mêmes effets

La Cour de justice des Communautés européennes vient d’être saisie d’une demande de décision à titre préjudiciel relative à l’interprétation de la directive n° 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (J.O.C.E. L. 249, p. 25), telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (J.O.C.E. L. 156, p. 23), par ordonnance du Landgericht Stuttgart, prononcée le 7 avril 2003, dans une affaire relative à des frais de notaire, dans laquelle les parties sont : 1) Mathias Längst, notaire ; 2) Firma SABU Schuh & Marketing GmbH ; 3) Président du Landgericht Stuttgart et 4) Bezirksrevisor du Landgericht Stuttgart, et qui est parvenue au greffe de la Cour le 10 avril 2003.

Le Landgericht Stuttgart demande à la Cour de justice de statuer sur les questions suivantes :

1°) Dans un système juridique tel que celui qui est en vigueur dans la partie wurtembergeoise du Land Baden-Württenberg (ressort de l’Oberlandesgericht Stuttgart), où – à la différence des faits qui sont à la base de l’ordonnance prononcée par la Cour le 21 mars 2002 dans l’affaire C-264/00 « Gründerzentrum-Betrieb-GmbH » - les fonctions de notaire peuvent être exercées par des fonctionnaires comme par des professionnels libéraux, qui sont les uns et les autres eux-mêmes les créanciers des droits qu’ils perçoivent, à cela près que les notaires fonctionnaires sont tenus, en vertu d’une loi du Land, de reverser une fraction forfaitaire de ces droits à l’Etat, qui est leur employeur et qui utilise ces recettes pour financer ses dépenses, les droits perçus par un notaire fonctionnaire pour l’établissement d’un acte relatif à une opération relevant de la directive 69/335, dans sa version modifiée, doivent-ils être considérés comme une imposition au sens de cette directive ?

2°) En cas de réponse affirmative, les droits en question échappent-ils à la qualification d’imposition au sens de la directive 69/335 lorsque l’Etat renonce à exiger sa part et cesse par conséquent d’appliquer la disposition du Land aux termes de laquelle une fraction des droits doit lui être reversée ?

La décision de la Cour de justice des Communautés européennes n’est pas encore rendue à ce jour.

Toutefois, on peut, à partir des précédents et des conclusions de M. l’Avocat général Antonio TIZZANO dans cette affaire, imaginer sans peine ce qu’elle sera…

Au titre des précédents, on se réfèrera aux arrêts rendus par la Cour dans les affaires Modelo (C.J.C.E., 29 septembre 1999, Modelo SGPS, aff. C.56/98, Rec. P. I, 6427 ; Defrénois 1999, art. 37078, n° 1, p. 1311, note R. Crône ; C.J.C.E., 21 septembre 2000, Modelo Continente SGPS, aff. C.19/99, Rec. P. I, 7213).

Dans le premier arrêt Modelo précité, la Cour de justice des Communautés européennes avait dit pour droit :

« La directive 63/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, dans sa version résultant de la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, doit être interprétée en ce sens que les émoluments perçus pour l’établissement d’un acte notarié constatant une opération relevant de la directive, dans le cadre d’un système caractérisé par le fait que les notaires sont des fonctionnaires de l’Etat et que les émoluments sont en partie versés à l’Etat pour financer des missions de celui-ci, constituent une imposition au sens de cette directive.

Ne revêt pas un caractère rémunératoire au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous e) de la directive, un droit perçu pour l’établissement d’un acte notarié constatant l’augmentation du capital social ainsi que la modification de la dénomination sociale et du siège d’une société de capitaux, tels que les émoluments en cause au principal, dont le montant augmente directement et sans limite en proportion du capital souscrit ».

Il s’agissait, en l’espèce, d’émoluments perçus par un notaire portugais qui, on le sait, a le statut de fonctionnaire, à l’occasion d’une augmentation de capital d’une société.

La question posée à la Cour dans la présente affaire se pose en termes rigoureusement identiques à propos des émoluments perçus par un notaire fonctionnaire allemand. Elle est cependant plus précise en ce sens que tous les notaires portugais sont fonctionnaires, alors que tel n’est pas le cas des notaires allemands certains Länder connaissant des notaires libéraux (nur notar, ou avocats-notaires).

Se basant sur d’autres précédents qu’il cite, l’avocat général évacue cette subtile distinction dans ses conclusions.

Sur la première question posée à la Cour, il conclut en termes identiques à ceux de l’arrêt Modelo, quasiment au mot pris (cf. supra) : « Nous proposons de répondre à la première question que la directive du Conseil 69/335/CEE, telle que modifiée par la directive du Conseil 85/335, doit être interprétée en ce sens que, dans le cadre d’un système tel que celui applicable au ressort de l’OLG Stuttgart, les droits dus pour l’établissement d’un acte notarié constatant une opération relevant de la directive constituent une imposition au sens de celle-ci, dès lors qu’on est en présence d’une situation caractérisée par le fait que les notaires sont des fonctionnaires et que les droits sont en partie versés à l’Etat pour financer des dépenses publiques ».

L’avocat général, estimant la deuxième question posée non utile à la solution du litige actuel, propose de ne pas y répondre, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, et, à titre subsidiaire, s’il devait y être répondu, ce serait par la négative, une telle renonciation n’étant pas de nature à écarter la qualification d’imposition.

De tout ce qui précède, il y a tout lieu de penser que la Cour de justice suivra les conclusions de l’avocat général, en tous points conformes à sa jurisprudence antérieure.

A suivre…

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